Le cinéma sud-coréen

  • Mis à jour : 25 février 2015

Le cinéma sud-coréen est très dynamique et est un des rares cinémas à concurrencer sur son propre sol le cinéma américain. Diverses écoles cohabitent : des films classiques, qui se fondent sur les traditions et la culture coréenne (Im Kwon-taek), et depuis une dizaine d’années, une nouvelle vague de jeunes réalisateurs, plus ancrés dans le monde moderne.

HISTOIRE

Des kino-dramas aux films de propagande, 1919 – 1953

L’histoire de l’industrie cinématographique sud-coréenne est indissociable de l‘histoire du pays. L’occupation japonaise de 1903 à 1945, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée entre 1950 et 1953, et surtout des années de politique répressive de la part du gouvernement militaire, sont autant d’évènements historiques et politiques majeurs qui ont affecté le développement de cette industrie.

Au départ, l’activité cinématographique consiste en la projection de scènes filmées lors de pièces de théâtre : le kino -drama. Cette pratique est typiquement japonaise.« The Righteous Revenge (Uirijok Gutu - La juste vengeance) », un kino-drama produit en 1919, est considéré comme le tout premier film coréen : un film était projeté en arrière-plan, tandis que les acteurs jouaient l’histoire en direct sur scène.

L’engouement pour les kino-dramas a été de courte durée, supplantés entre autres par les films étrangers, et par les premiers films coréens muets.C’est en 1923 qu’est réalisé le premier long métrage coréen, « Promesse d’amour sous la lune » de Yun Paengnam. Il faudra attente 1935 pour que le premier film coréen parlant voit le jour (« Chunhyang-jeon »). Comme la plupart des films jusqu’en 1945, Promesse d’amour sous la lune est produit par des Japonais et sa réalisation est contrôlée par les services de propagande. Parallèlement au cinéma soumis au régime, un cinéma de résistance se développe, qui s’efforce de sauvegarder les valeurs de la Corée d’antan. En effet, les Japonais détruisent les monuments historiques et les œuvres d’art.La distribution et la diffusion de films étaient alors exclusivement réservées aux Japonais, qui possédaient les salles de cinéma. Une seule salle appartenait à un Coréen : le Dangsonsa Theater,. La langue coréenne est interdite dans les spectacles et dans les films dès 1938.Les profits générés par la diffusion des films, ils n’étaient pas réinjectés dans la production. La créativité et le développement du cinéma sud-coréen ont donc été extrêmement limités pendant cette période : seuls 157 films ont été produits durant la totalité de l’occupation japonaise. Pour finir, pas un seul film produit avant 1934 ne subsiste actuellement sous sa forme d’origine : tous ont été coupés, altérés, détruits ou mal archivés.

Entre 1926 et 1932, de petites sociétés indépendantes ont réussi à produire quelques films nationalistes. Cependant, les productions locales devaient faire face à des limitations techniques importantes. Outre les contraintes techniques, tous les films – coréens comme étrangers – devaient préalablement être approuvés par le gouvernement colonial avant diffusion, et la police japonaise était présente lors des diffusions. Ces restrictions se sont aggravées dans les années 1930, période pendant laquelle furent surtout montés des films de propagande.

La première manière de résister à l’occupant est l’évocation des valeurs patriotes. Le premier film reconnu par les cinéastes coréens est « Arirang », film muet de Na Un’gyu réalisé en 1926. L’histoire débute par un meurtre : un fou tue le soldat japonais qui a violé sa sœur. Si ce geste lui rend sa lucidité, Yonjin sera tout de même envoyé dans les prisons japonaises. Les spectateurs coréens ovationnent le film : reflet des souffrances nées de l’occupation, il a un effet cathartique.
Le titre annonçait déjà cette prise de défense des valeurs patriotiques puisque Arirang est le nom d’une chanson populaire coréenne. Bien que ne puissant plus être visionné, Arirang est toujours décrit comme le chef-d’œuvre de cette première moitié de siècle, artistiquement et symboliquement.

La deuxième manière de résister à l’occupant est plus franche. En 1925, des militants communistes créent la KAPF (Korea Artista Proletaria Federatio en esperanto). Ils tentent de passer outre la censure japonaise, mais la répression les rattrape. Les cinéastes qui ne finissent pas en prison connaissent l’exil.

Tous les films de l’époque sont caractérisés par un lyrisme dont l’exagération soulève parfois les critiques. Ce courant sentimental est attribué à la situation douloureuse du pays et à l’influence de la culture japonaise : les œuvres tristes et torturées des Japonais auraient entamé le naturel joyeux des Coréens. Mais c’est le réalisme qui définit le mieux la tendance de l’époque. D’autres films, qui abordent prudemment le thème de la résistance à l’occupant, méritent d’être cités :« La Femme des cinq rêves » (1937) de Na Un’gyu, « Le Prix des leçons » (1940) de Ch’oe In’gyu.

1945-1953 : la Libération et la guerre de Corée

En 1945, la Corée est libérée de l’occupant japonais. En 1946, le gouvernement militaire de l’armée américaine assouplit la réglementation sur le cinéma. La production prend son envol. Mais faute de moyens, les films en 16 mm sont muets. L’exaltation de la libération passée, les films gagnent en qualité esthétique et en profondeur de réflexion. Celui qui marque la période est « Vive la liberté » de Ch’oe In’gyu, sorti en 1946.Il fait partie des quelques films produits pendant la période 1945-1953, soit de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la fin de la guerre de Corée.

Lorsque la guerre éclate en 1950, matériels et cinéastes sont réquisitionnés par les organes de propagande du Nord et du Sud. Certains sont même enlevés : c’est le cas du célèbre Ch’oe In’gyu. Sur place, les Américains tournent et diffusent des documentaires et des actualités de guerre. Ainsi John Ford tourne « This is Korea ! » en 1951. Il reviendra sept ans plus tard réaliser « Korea : battleground for Liberty ». Dans le contexte national de guerre civile, et dans le contexte mondial de guerre froide, la Corée du Sud passe sous la « protection » des Etats-Unis. Les Coréens se familiarisent donc avec les méthodes et les techniques de tournage américaines.La plupart des films de la période 1945-1950 ont toutefois disparu pendant la guerre de Corée (1950-1953), période pauvre du point de vue de la création cinématographique

Au sortir de la guerre de Corée, la majorité des infrastructures cinématographiques ont été détruites et des années de répression du gouvernement colonial ont mis à genou l’industrie naissante du cinéma en Corée.Dans le but de revitaliser l’industrie du film alors quasiment inexistante, Syngman Rhee, le premier président du pays (1948-1960) décide d’exempter l’industrie de toute imposition.

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1953-1962 : « premier âge d’or » du cinéma sud-coréen

Dès 1954, une série de mesures contribue à relâcher l’étau qui étouffait l’industrie cinématographique. Seule la Korean Film Unit, créée en 1958, reste réellement un outil de propagande du gouvernement via la production des documentaires et des actualités. En 1954, le président Yi Sungman abolit l’impôt sur les billets de cinéma. Il abolira ensuite l’impôt sur la production. 1955 est une année symbolique : le cinéma n’est plus placé sous la tutelle du ministère de la Défense mais sous celle du ministère de l’Education. Des associations de producteurs, de réalisateurs, de distributeurs et plus tard de scénaristes (en 1958) sont créées.

Dès 1959, les universités ouvrent leur département de cinéma. La production de films s’accélère et approche les deux cents films par an. Les plus grands studios d’Asie sont construits au Sud de Séoul et sont inaugurés en 1956. Cette explosion est bien sûr permise par une fréquentation élevée des salles de cinéma. Au lendemain de la guerre et d’une longue période d’oppression, le Coréen profite de ce loisir qui lui est offert. Les foyers n’ont pas encore la télévision : le cinéma est le premier média. Cette frénésie pour le grand écran s’accompagne d’un phénomène de société : l’apparition de stars et de leurs admirateurs.Ce phénomène de croissance permet de récolter des bénéfices et donc de réaliser des investissements technologiques. En 1958 sort le premier film en cinémascope : « Une vie » de Yi Kangch’on. En 1961 sortent les deux premiers films en couleurs : « Song Ch’unhyang » de Sin Sangok est filmé en cinémascope, « L’Histoire de Ch’unhyang » de Hong Songgi est filmé en 35 mm. Tous les deux sont des succès et s’inspirent de la même légende populaire : Ch’unhyang.

Les studios d’Anyang, près de Séoul, sont, lors de leur inauguration, les plus grands d’Asie. Les principales universités ouvrent des départements de cinéma.
Les cinéastes révélés à cette époque deviendront les têtes de file des années soixante et soixante dix. Sin Sangok, Kim Ki-young et Kim Suyong sont les plus célèbres. Tous sont autodidactes et ont appris du contact avec les Américains. On les nomme « artistes civiques » : leur expérience de la vie, de la guerre et leur statut de réalisateur les incite à témoigner au nom de leur peuple et à faire partager leur sagesse. La qualité de leurs films leur ouvre les portes des festivals étrangers tels que Berlin, Sydney ou San Francisco.

« The Housemaid (Hanyo) », de Kim Ki-Young, sorti en 1960, est considéré comme le film le plus important de cette période, et est toujours vu aujourd’hui comme « l’un de meilleurs films coréens de tous les temps » (un remake de ce film est par ailleurs sorti en 2010). Dans ce thriller, une domestique séduit le maître de maison, dont elle tente par la suite de détruire la famille.

« Aimless Bullet (Obaltan) » de Yu Hyun-mok (interdit lors de sa sortie initiale en 1961) est également un film majeur de cette époque. Situé en pleine période post-guerre de Corée, ce drame dépeint de manière réaliste la vie d’un comptable coréen qui peine à faire vivre sa famille et à trouver sa place dans une société en pleine mutation.


obaltan.0001 par syncinema

Le 19 mai 1960, les étudiants se révoltent contre les abus du gouvernement. Le dictateur Yi Sungman, au pouvoir depuis 1953, s’est présenté pour la quatrième fois aux élections. Les troubles entraînés au sein de la population et au sein du gouvernement permettent au général Pak Chonghui de parvenir au pouvoir après le coup d’Etat du 16 mai 1961. Il y restera jusqu’à son assassinat en octobre 1979.

En 1961, le cinéma quitte la tutelle du ministère de l’Education pour passer sous celle du ministère de l’Information. Le gouvernement débute une politique de « culture de masse ». Il agit au niveau de l’organisation de l’industrie cinématographique en multipliant les réglementations dès 1962, mais surtout il s’attribue les pleins pouvoirs en ce qui concerne le contenu des films. Il censure et développe sa « politique des 3S » : Screen, Sex & Sport.

1962-1980 : la reprise en main par les militaires

Le coup d’État du général Park Chung-hee en 1961 se traduit par une promulgation l’année suivante d’une loi très restrictive sur les conditions de création cinématographique : la Motion Picture Law . La loi de 1962 marque le début d’une série de lois contraignantes à tous les niveaux de l’industrie du cinéma. Les tournages sont soumis à des normes techniques et financières : un minimum de quatre caméras et quinze salariés. Les producteurs doivent réaliser au moins quinze films par an. Les producteurs-distributeurs doivent produire un nombre minimum de films nationaux pour pouvoir importer un film étranger. Le cinéma national est ainsi favorisé et devient quantitativement prédominant. Mais les trois quarts des maisons de production ne peuvent pas supporter ces nouvelles normes et elles mettent la clef sous la porte. Les seize maisons qui subsistent se regroupent dans un quartier de Séoul : Ch’ungmuro, surnommé alors le « Hollywood » de la Corée.

Les films traitant de sujets jugés sensibles sont alors censurés. Les sujets en question incluent notamment le communisme, les films à caractère obscène, ou tout traitement susceptible de porter préjudice à l’image et à la dignité du pays. La faiblesse des scénarios mêlée à la mauvaise qualité des productions cinématographiques, ainsi que l’arrivée de la télévision dans les foyers entraînent une chute d’un tiers de la fréquentation des salles de cinéma entre 1969 et 1979.

En 1972, les normes se consolident, les quotas de production et de distribution fluctuent. C’est l’époque des « quotas quickies » : des films à petit budget sont réalisés à la hâte pour satisfaire aux quotas mais certains ne sortiront jamais sur les écrans. Im Kwont’aek par exemple, parvient à réaliser six films par an. Dans l’année, un nombre minimum de jours est réservé à la diffusion des films nationaux (121 jours en 1973). Les films japonais sont interdits. Les films étrangers pénètrent difficilement le territoire : pour un film importé, quatre films coréens doivent être exportés. Si la production atteint un record de 229 films en 1969, elle chute à 122 films en 1972. Les nouvelles normes sont devenues trop contraignantes, et surtout la censure s’affermit.
Le « Comité pour l’éthique de l’art et de la culture », puis celui de « l’éthique des spectacles publics » dès 1978, devait examiner un film avant d’en autoriser la sortie. Dès le lendemain du coup d’Etat du 16 mai 1961, « Une Balle perdue » de Yu Hyonmok fut interdit de diffusion. De nombreux films furent ensuite mutilés lors du montage. Parmi ces « films-martyrs », on peut citer La Marche des imbéciles du talentueux Ha Kilchong. Dès 1972, la censure se renforce. Seuls les films marqués du label de l’Etat sont autorisés à la sortie. Le label n’est pas accordé si le film est soupçonné de véhiculer des idées anti-gouvernementales, anti-libérales ou anti-américaines.

Les censeurs passent bientôt au stade supérieur et s’attaquent aux cinéastes qui doivent payer des amendes, qui séjournent en prison ou disparaissent mystérieusement.Les films pro-gouvernementaux sont évidemment avantagés et n’ont aucune difficulté à être diffusés. Sont considérés comme pro-gouvernementaux les films qui critiquent le communisme de Corée du Nord ou qui louent les généraux ayant résisté à l’occupant japonais. Parallèlement à ces films politiques, le gouvernement favorise l’essor des « films de genre », aussi appelés « films de série B ». Oublieux de la qualité, ces films ont pour seul but de faire du profit. Les outils du gouvernement pour attirer le spectateur sont Sex & Sport. Autrement dit, l’érotisme infiltre le film mélodramatique de tradition et les émissions sportives et patriotiques se multiplient.

La politique des quotas quickies et la censure draconienne ont pour effet évident d’affecter la qualité de la production sur cette période. Les spectateurs coréens et étrangers se détournent des films coréens. Un autre phénomène contribue à ce déclin : la diffusion des téléviseurs dans les foyers. Si avoir un téléviseur est considéré comme une marque de richesse en 1956, il devient un bien courant dans les années 70. Les femmes, qui constituaient l’essentiel du public de cinéma, ont dorénavant leur télévision à la maison. Les cinéphiles déçus par les films coréens bâclés ou de propagande se replient sur les films étrangers. Mais ceux-ci sont rares dans les salles de cinéma à cause de la politique « culturelle » qui filtre les entrées des films étrangers sur le territoire. Les cinéphiles fréquentent donc les centres culturels pour visionner des films européens, et ils profitent de la télévision pour voir des films hollywoodiens.

Il faudra attendre les années 1980 pour que le gouvernement assouplisse les régulations en vigueur et réduise son contrôle sur l’industrie du cinéma. Grâce à la révision de la Motion Picture Law en 1984, les productions indépendantes sont autorisées sous certaines conditions. Une nouvelle génération de producteurs fait alors son entrée dans le milieu du cinéma. Bien que la fréquentation des salles reste peu élevée pendant cette période, le cinéma sud-coréen commence à être reconnu au niveau international.

1980-1988 : déréglementation et essor de la liberté de création

En 1980, une révolte d’ouvriers a lieu à Kwangju dans la province méridionale du Challado. L’armée tire sur les manifestants et lâche des bandes de tueurs à sa solde dans les rues. Le bilan humain est lourd : on compte des centaines de morts, des milliers de disparitions et d’arrestations. En 1987, les Jeux Olympiques sont organisés à Séoul. La population profite de la présence des autorités occidentales pour manifester. Le gouvernement doit faire figure démocratique : il libéralise tous les pans de l’industrie. 1987 marque la renaissance du cinéma coréen.

En conséquence, la double censure sur le scénario et sur le film s’atténue. Celle sur le scénario est abolie en 1988. Les militaires cessent d’emprisonner les cinéastes engagés. Les productions indépendantes sont autorisées, ôtant ainsi le monopole aux sociétés de production du quartier de Ch’ungmuro. Les collectifs d’étudiants se développent. Les co-productions sont autorisées avec d’autres pays asiatiques tels que la Chine, Hong Kong ou Taiwan. Les activités de production et de distribution sont séparées, facilitant ainsi l’entrée des films étrangers.

Cette déréglementation permet l’essor de nouvelles sociétés de production, ainsi que des coopérations avec d’autres cinémas asiatiques, de la République populaire de Chine (RPC), de Hong Kong et de Taïwan.

En 1981, « Mandala » du réalisateur Im Kwon-Taek remporte le grand prix au Festival du film d’Hawaii, et en 1987, Kang Su-Yeon remporte le prix de la meilleure actrice à la Mostra de Venise pour son rôle dans « Surrogate Mother ». Elle remportera à nouveau en 1989 le prix de la meilleure actrice pour « Come Come Come Upward » d’Im Kwon-Taek, au Festival international du film de Moscou.

La génération d’étudiants en lutte contre la dictature militaire utilise le cinéma comme moyen d’expression : les collectifs « Yallasong » et « Changsan Kotmae », d’inspiration marxiste, diffusent leurs films via les circuits privés des campus. Leurs idées s’inspirent de la notion de « cinéma ouvert » développée par le critique Chang Sonu.

Parallèlement, suite à la pression des États-Unis sur le gouvernement coréen, la Motion Picture Law est révisée en 1984 puis 1986. L’importation de films étrangers est libéralisée et les sociétés étrangères sont autorisées à distribuer des films en direct, sans passer par des intervenants locaux, comme c’était le cas jusqu’à présent. Ces révisions ont eu un impact considérable sur la part de marché des productions nationales.

1980-1988 : déréglementation et essor de la liberté de création

De la répression du soulèvement de Kwangju, en 1980, jusqu’aux débuts de la libéralisation politique, à partir de 1987-1988, la déréglementation permet l’essor de nouvelles sociétés de production, ainsi que des coopérations avec d’autres cinémas asiatiques, de la République populaire de Chine (RPC), de Hong Kong et de Taïwan. Mais en même temps c’est la porte ouverte aux importations de films étrangers. Pour la première fois, les films coréens se retrouvent donc à armes égales avec les productions étrangères sur le territoire national. Les studios hollywoodiens commencent à ouvrir des branches en Corée du Sud. La première société à venir s’implanter est la United International Pictures (UIP) en mars 1988. Viendront ensuite Twentieth Century Fox en aout 1988, Warner Bros en 1989, Columbia Tristar en 1990 et Disney en 1993.

Lors de la diffusion des tout premiers films directement distribués par UIP[+], des manifestations sont organisées par les professionnels de l’industrie et la presse sud-coréenne boycotte les encarts de publicité d’UIP. Les opposants aux films étrangers vont même jusqu’à lâcher des serpents (non venimeux) dans les salles de cinéma pour exprimer leur mécontentement face aux nouvelles lois.

De 1988 à 2000

1992 marque l’année de la première participation d’un chaebol (ce sont les conglomérats sud-coréens) au financement d’un film. Samsung finance ainsi à hauteur de 25 % « Marriage Story » de Kim Ui-seok. Ce film s’est avéré être un véritable succès, attirant 526 000 personnes rien qu’à Seoul. Une nouvelle source de financement des productions cinématographiques était née.
Daewoo and Hyundai font notamment partie des autres chaebols à s’être impliqués dans le milieu du cinéma au début des années 1990. Suite à la crise financière de 1997, de nombreux chaebols (dont Samsung) se sont cependant retirés de ce marché pour se recentrer sur leurs activités principales. Une seconde génération de conglomérats a alors fait son apparition dans l’industrie cinématographique, parmi lesquels CJ, Orion and Lotte.
Les chaebols ont complètement transformé la structure de l’industrie du film en Corée, en s’organisant de manière verticale. Ces sociétés se sont impliquées dans tous les domaines de l’industrie : financement, production, diffusion, distribution, ventes internationales et sorties vidéo. Ces poids lourds possèdent également de grandes chaînes nationales de multiplexes. Le nombre d’écrans a également augmenté, passant de 588 en 1999, à 1 451 en 2004.

Outre une participation à des fonds d’investissement, l’État coréen s’est doté d’une structure propre, destinée à promouvoir le cinéma sud-coréen. En effet, le Korean Film Council (KOFIC) a eu un rôle significatif dans la dynamisation et la protection de l’industrie cinématographie nationale. Lancée en 1999, cette organisation gouvernementale dans le but de soutenir et de promouvoir le cinéma sud-coréen sur le marché national et à l’étranger.Le KOFIC soutient l’industrie du film de diverses manières : bourse, subventions, soutien des activités de R&D, appui aux productions indépendantes et aux salles d’art et d’essai, soutien lors des festivals internationaux… De plus, le KOFIC sponsorise et organise des festivals, et publie des ouvrages en anglais.

Le cinéma sud-coréen de 2000 à 2012

Depuis la fin des années 90, les Américains font pression sur le gouvernement pour qu’il abolisse complètement les quotas. Tous les professionnels du cinéma s’opposent à cette suppression. Ils sont massivement soutenus par les citoyens coréens, qui défendent hargneusement le cinéma dont ils sont fiers. La Corée est aujourd’hui le troisième pays producteur de films. Elle a développé un style qui lui est propre et devient même un épicentre de l’Asie dans ce domaine. Depuis la crise de 1997, la production et la distribution sont passées des mains des conglomérats nationaux (les chaebols) à celles des géants américains.

Si en plus d’avoir des parts dans la production et la distribution, les Etats-Unis exportaient leurs films en Corée à leur guise, alors les films « made in & by » Korea seraient menacés. Les médias et politiciens coréens sont pourtant favorables à cette suppression des quotas. Ils estiment que le cinéma coréen est désormais assez compétitif et n’a plus besoin de réclamer la protection ou l’aide étatique. Ce débat scinde le pays en deux. Parce qu’il était opposé à cette suppression des quotas, le cinéaste Lee Chang Dong, a démissionné de son poste de ministre de la culture en juin 2004.

Cependant, l’année 1999 marque un tournant décisif avec la sortie de « Shiri ». À la fois un succès financier et critique en Corée, Shiri est l’un des premiers films d’action à gros budget : 8,5 millions de dollars dont une partie fut financée par Samsung.Hommage aux films d’actions asiatiques (notamment au cinéma d’action hongkongais) et aux films américains des années 1980, Shiri retrace la poursuite d’un assassin nord-coréen par deux agents du gouvernement sud-coréen. Lorsque les forces spéciales de la Corée du Nord volent une cargaison d’un liquide explosif et qu’ils menacent Séoul, les deux agents spéciaux tentent de les arrêter.

Dans les années suivantes, le succès retentissant de films comme « Joint Security Area » en 2000 (5,8 millions de spectateurs) et « Friend » en 2001 (8,1 millions de spectateurs) permet aux films coréens d’atteindre une part de marché de 50,1 % en 2001, chiffre qui est depuis resté globalement stable.

Afin de pouvoir se mesurer aux films américains, l’industrie sud-coréenne a mis l’accent sur la qualité des productions, en privilégiant les scénarios et en variant les genres. Avec de bons résultats puisque le nombre de tickets vendus ainsi que les profits générés ont doublé entre 2001 et 2007.

Avec la popularité des dramas comme « Winter Sonata », au niveau régional, la demande pour les films coréens a augmenté. Par conséquent, lorsque les premières sociétés spécialisées dans les ventes internationales se sont lancées en 2000, les exportations de productions coréennes ont augmenté de façon exponentielle.
C’est à cette époque que les films coréens sont devenus viables sur le plan commercial non seulement sur le marché domestique, mais également sur les marchés régionaux. Une nouvelle génération de réalisateurs - tels que Park Chang-Wook, Kim Ji-Woon, Kim Ki-Duk, Bong Joon-Ho, Hong Sang-Soo and Lee Chang-Dong - a commencé à se faire connaître en Europe et aux États-Unis.

Le cinéma sud-coréen de 2000 à 2012

En 2006, suite aux négociations de l’accord de libre-échange avec les États-Unis, le gouvernement sud-coréen décide de diminuer le contingent à l’écran établi en 1993, c’est-à-dire de réduire le nombre de jours pendant lesquels les salles de cinéma sud-coréennes sont tenues de diffuser des productions locales. Ce nombre est divisé par deux (73 au lieu de 146). Pour la plupart des professionnels du milieu du cinéma, ce contingent à l’écran est pourtant vu comme l’une des raisons principales du développement de l’industrie cinématographique nationale depuis 1998. C’est pourquoi la réduction du contingent de jours réservés à la production locale suscite des manifestations.
Attirées par la nouvelle rentabilité de l’industrie cinématographique, de nombreuses sociétés de production font leur entrée sur le marché. 100 films sont produits pour l’année 2006, d’une qualité très inégale.

Par conséquent, les prix à l’export ont commencé à diminuer, et en 2006 les ventes à l’étranger ont enregistré une baisse de 70 % par rapport à l’année précédente. Les ventes au Japon ont pour leur part diminué de 83 %, entraînées par l’essoufflement de l’hallyu

Cette période de stagnation a cependant pris fin en 2012, année record pour le cinéma sud-coréen.

Le cinéma sud-coréen depuis 2012

195 millions de billets ont été vendus en 2012, soit une hausse de 22 % par rapport à l’année précédente : c’est le plus grand nombre de billets vendus en une année de toute l’histoire de l’industrie du film en Corée du Sud. D’après le KOFIC, la part de marché des films coréens cette même année a atteint 58,8 %, et le retour sur investissement a atteint 13 %, soit la première année de surplus en sept ans. The Thieves et Masquerade ont été les deux plus gros succès de l’année, en attirant chacun plus de 10 millions de spectateurs.

Les exportations de films coréens ont également augmenté de 8,4 % pour atteindre un total de 37,8 millions de dollars. C’est la première fois depuis 2008 que les exportations de films dépassent la barre des 20 millions de dollars.

En 2013, trois réalisateurs sud-coréens reconnus ont fait leurs débuts en langue anglaise : Park Chan-Wook avec « Stoker », Kim-Ji Woon avec « The Last Stand », et Bong Joon-Ho avec « Snowpiercer. »

« Stoker » est un drame familial qui dépeint la relation ambigüe entre India, une jeune fille de 18 ans qui vient de perdre son père, et de son oncle Charlie. Bien que Stoker soit un film en langue anglaise, avec Nicole Kidman, Mia Wasikowska et Matthew Goode en têtes d’affiche, le style très particulier de Park Chan-Wook (I’m a Cyborg but that’s OK, Old Boy, Lady Vengeance, Thirst) est facilement reconnaissable.

Park Chan-Wook produit également le très attendu « Snowpiercer » de Boon Joon-Ho (Memories of Murder, The Host, Mother). Ce film est une adaptation de la bande dessinée Le Transperceneige de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette, et réunit les comédiens Chris Evans, Song Kang-ho, Jamie Bell, John Hurt, Tilda Swinton, Octavia Spencer, et Ed Harris. Dans ce film de science-fiction, après qu’une ère glaciaire a totalement dévasté la planète, les derniers survivants sont enfermés dans le Snowpiercer, un train qui roule éternellement.

Dans « The Last Stand », réalisé par Kim Ji-woon (The Good, The Bad and the Weird, A Tale of Two Sisters, A Bittersweet Life, I saw the devil), le shérif d’une petite ville et son équipe inexpérimentée tâchent d’empêcher la fuite du chef d’un cartel de la drogue au Mexique. Le rôle du shérif est tenu par la star des films d’action, Arnold Schwarzenegger.

Bien que « Stoker » ait reçu des critiques plutôt positives lors de sa sortie – le style et la photographie du film ont été particulièrement appréciés –, « The Last Stand » n’a pas réussi à convaincre les spectateurs, et a réalisé une performance décevante. Le film, au budget de 30 millions de dollars a rapporté 37,1 millions de dollars au box-office.

LA NOUVELLE VAGUE

Dès 1987, le mouvement amorcé par les cinéastes de collectifs se développe. Les collectifs n’ont plus lieu d’être : le gouvernement est moins oppressant et il n’est plus nécessaire d’être soudés pour oser s’exprimer. Chaque cinéaste réalise ses films de manière indépendante par rapport à ses camarades de collectif. Rappelons que chacun était polyvalent au sein du collectif. Cet essor centrifuge des cinéastes par rapport à leur ancien groupe s’est donc fait naturellement. Parmi les aînés de la nouvelle vague, on compte Park Kwang-Su (« La République noire », 1990) et Jang Sun-Woo (« Un Pétale », 1996). Tous deux abordent le tabou de la répression politique et dénoncent les travers de leur système sociétal. Cette première vague de réalisateurs est complétée par une seconde vague (au sein de laquelle on retrouve Hong San Soo et Kim Ki Duk) lors du passage au gouvernement civil de 1993.

1993 marque aussi la recrudescence de la fréquentation des salles de cinéma grâce au film d’Im Kwont’aek : « La Chanteuse de Pansori ». Dès cette année 1993, certains critiques perçoivent déjà que le phénomène n’en est qu’à son début et qu’il sera d’importance. On parle d’un deuxième âge d’or du cinéma coréen, le premier ayant eu lieu dans les années cinquante et soixante.

Les médias commencent à s’accorder sur l’existence d’une « Nouvelle vague » coréenne dans le milieu des années 90. Elle ne concerne pas seulement le cinéma mais la culture de masse coréenne dans sa globalité. En Chine, les stars coréennes deviennent même plus populaires que les vedettes japonaises ou états-uniennes. En 1997, le cinéma coréen accapare 18 % du marché national, en 1999 il atteint 37%. Il devient alors logique et naturel que les gros investisseurs cherchent à devenir détenteurs des parts de ce marché en croissance. Jusqu’en 1997, les chaebols (conglomérats nationaux) tels que Daewoo étaient prioritaires sur le marché, mais ils ont passé le flambeau aux Américains après la crise.

Les cinéastes de la « Nouvelle vague » ont pour caractéristique d’être jeunes. Au contraire de leurs aînés qui ont appris progressivement en débutant assistant réalisateur, la plupart des nouveaux venus ont étudié l’art en école et se font connaître dès leur premier film. Film dans lequel ils sont d’emblée réalisateur. Certains de ces débutants sont ambitieux et plaisent aux investisseurs qui financent leurs superproductions. Les cinéastes indépendants plus modestes et les maîtres du cinéma traditionnel en pâtissent et peinent à trouver des fonds.

D’un autre côté, les nouveaux réalisateurs sont critiqués pour leur zèle excessif. Ils veulent traiter trop de thèmes à la fois et feraient des films incohérents. Beaucoup voient encore le cinéma coréen comme un cinéma de genre où l’érotisme, l’action et la tragédie sont maladroitement exploités afin de divertir l’audimat. Certes, le cinéma des années 90 porte les marques de son histoire : il est pour la toute première fois libéré des chaînes de la censure et comme tout nouveau né il balbutie, il bégaie un peu. La poésie et l’esthétique trouvent leur pleine mesure dans « Les Locataires » .

En réalité deux courants se profilent et divisent la critique à la fin des années quatre vingt dix. D’un côté, les jeunes réalisateurs de « blockbusters » plaisent à la majorité des spectateurs asiatiques. Ce sont eux qui reçoivent les aides étatiques et qui attirent les investisseurs nationaux, japonais et américains. Les critiques, eux, trouvent leurs œuvres sans finesse, dénuées de réflexion et de piètre qualité technique. D’un autre côté, certains réalisateurs privilégient la qualité aux bénéfices financiers. Ce sont les « indépendants » dont font partie les maîtres du cinéma traditionnel coréen. Ils sont boudés des investisseurs : faute de trouver des fonds, Sin Sang Soo a du mal à terminer son dernier film, « La Visite ». Cette catégorie est oubliée ou même méprisée par les spectateurs coréens (c’est le cas du jeune Kim Ki-Duk), mais elle est vivement encouragée par les critiques et fait fureur dans les festivals étrangers. « Le Chant de la fidèle Chunhyang », film d’Im Kwont’aek sorti en 2000, a été un échec sur le plan commercial en Corée mais un succès à Cannes.

ECONOMIE

Le cinéma sud-coréen bénéficie de mesures de protection : les salles doivent avoir un film coréen à l’affiche au moins 40 % de l’année. Mais aujourd’hui, la part de marché du cinéma coréen en Corée du Sud dépasse les 50 %. Depuis 1998, des négociations avec les États-Unis visent à supprimer ou au moins réduire cette part de la production nationale dans la programmation des salles coréennes, sans aboutir. Les États-Unis sont très hostiles au droit national sud-coréen, qui a toutefois pu être maintenu grâce à une forte mobilisation des cinéastes coréens2.

Le gouvernement sud-coréen a annoncé, le 23 octobre 2006, un plan de soutien financier à l’industrie nationale du film, comportant notamment l’amélioration des infrastructures cinématographiques, la formation de personnel et la promotion des films sud-coréens à l’étranger.

Néanmoins, l’ industrie reste contrôlée à 80 % par trois poids lourds – CJ, Lotte et Orion – , qui interviennent à toutes les étapes de création des films. Ces sociétés étant également impliquées dans la distribution, les productions indépendantes à petit budget peinent à exister sur le marché, les chaebols mettant naturellement en avant leurs productions.

Ce mode de fonctionnement présente un réel danger pour la créativité et la diversité du cinéma sud-coréen, qu’il convient de ne pas négliger

DIFFUSION INTERNATIONALE

Les premiers festivals internationaux dédiés aux films voient également le jour à cette période. Le Festival international du film de Busan (BIFF), le premier de Corée, est lancé en 1996 afin de faire connaître de nouveaux réalisateurs asiatiques. 173 films de 31 pays sont présentés lors de cette première édition. En 2012, ce sont 304 films de 75 pays qui sont diffusés au BIFF, considéré comme le plus important festival international du film en Asie.

D’autres festivals internationaux majeurs ont lieu en Corée, dont le Festival international du film fantastique de Puchon (PiFan) lancé en 1997, et le Festival du film international de Jeonju (JIFF) lancé en 2000 et qui s’intéresse surtout aux films indépendants.

De plus, des distributeurs américains comme Warner Brothers, MGM et Dreamworks commencent à racheter les droits des films coréens à succès pour en faire des remakes. C’est le cas notamment des films « Sympathy For Lady Vengeance » (2005), « The Host », « Addiction » (2002), « My Sassy Girl » (2001), et « A Tale of Two Sisters » (2003).

À la même période, des acteurs coréens font leurs débuts à Hollywood : l’acteur Rain est choisi en 2008 pour un rôle dans « Speed Racer » de Lana et Andy Wachowski, et décroche le rôle principal de « Ninja Assassin » de James McTeigue en 2009. L’actrice Jun Ji-hyun, elle, tourne dans « Blood : The Last Vampire » (2009), et l’acteur Jang Dong-gun dans « The Warrior’s Way » (2010). Ces films ont cependant été des échecs critiques et commerciaux.

Le cinéma sud-coréen remporte donc un succès croissant à l’étranger, notamment dans les autres pays asiatiques. Cependant, son importance au sein de l’actuelle vague coréenne hallyu (ou nouvelle pop culture coréenne) est relativement moindre, comparée aux succès énormes des artistes musicaux et des séries télévisées venus de Corée du Sud. Par exemple, l’acteur sud-coréen le plus populaire au Japon (essentiellement parmi les femmes de plus de 50 ans) est Bae Yong-joon, l’acteur principal de la série télévisée « Sonate d’hiver » (2004).