Café cinéma - Chansons et Cinéma

  • Mis à jour : 10 mai 2015

CINEMA ET CHANSONS

La chanson croise et recroise le cinéma tout au long de l’histoire de celui-ci. Leurs rapports varient en fonction des usages différents que les auteurs et les modes ont des chansons dans les films : aujourd’hui la chanson en début de film (James Bond) et du générique de fin, dans l’entre-deux-guerres la séquence music-hall où la vedette (ou un personnage de chanteuse) interprète une chanson, jusqu’aux dialogues ou monologues chantés des films de Jacques Demy...

La chanson est tellement importante que parfois c’est la seule chose qui reste. Qui se souviendrait du film « Destins » de 1946 si on ne savait pas que c’est dans ce film que Tino Rossi chante « Petit Papa Noël ». « Titanic », œuvre magistrale de Camerone n’aurait pas eu son prolongement dans le succès sans la chanson de Céline Dion. Nous allons évoquer quelques succès qui ont contribués ou même parfois dépassé le succès d’un film, a telle point qu’elles ont eu leur propre succès et ont été reprises dans plusieurs films.

Les débuts du parlant et les années 1930

Bien évidemment qui dit chanson à l’écran, inévitablement fait appel au Cinéma parlant. N’oublions pas que le premier parlant est précisément « Le chanteur de Jazz » (1937) Nous n’évoquerons pas les chansons de ce film car il se trouve que le film a plus bénéficié de sa nouveauté historique que de la teneur du scénario et de sa musique.
Par contre dix ans après, Fernandel crée dans le film « Ignace », une chanson qui se transmet de génération en génération. Ce film réalisé par Pierre Colombier raconte l’histoire d’un jeune paysan Ignace Boitaclou qui arrive en retard à la caserne où il est sévèrement réprimandé par son adjudant de semaine. Faisant connaissance avec ces camarades de chambrée qui se moquent de son prénom il explique que c’est « un joli nom charmant ».

En 1939, avant les films « Chorale » le réalisateur Jean Boyer en fait chanter une dans son film « Circonstances atténuantes ».

Ce sont Andrex, Dorvillen Mila Parély, Arletty et … Michel Simon qui reprennent « Comme de bien entendu » dans un café dans lequel un procureur à la retraite, Gaëtan Le Sentencier se retrouve au milieu de malfrats suite à une panne de voiture. Les paroles étaient de Jean Boyer et la musique de Georges van Parys. Cette chanson a été remise à l’honneur en 2002 par Patrick Bruel en duo avec Renaud sur l’album Entre deux.


Comme de bien entendu par gilou

Les années 1940

Heures sombres de la guerre, et de la reconstruction et du deuil, la France pourrait ne pas avoir la tête à la chanson. Oui mais … c’est la France et comme le dise nos amis belges, ce n’est pas par hasard que les Français ont choisi le coq comme emblème… Ainsi, il y aura des airs qui dépasseront le souvenir des années noires. Il en est ainsi de la chanson interprétée par Danielle Darrieux dans le film « Le premier rendez-vous » de Henri Decoin, sorti en 1941.
Micheline est une jeune orpheline élevée à l’Assistance Publique. Elle rêve de rencontrer l’amour et pour cela, correspond secrètement avec un inconnu depuis des semaines. Elle décide, avec la complicité d’une amie, de s’échapper quelques heures de l’orphelinat pour rencontrer son correspondant avec qui elle a pris son premier rendez-vous. Micheline est très déçue quand elle rencontre « l’inconnu », Nicolas Rougemont, triste quinquagénaire qui voyant sa déception lui déclare être venu à la place de Pierre, empêché en dernière minute.
Chanson écrite par Louis Poterat et composée par René Sylviano


Danielle Darrieux (1941) par francomac

Puis c’est enfin la paix, certains films tournés avant ou pendant la guerre sortent sur les écrans.

Nous citerons « Quai des orfèvres » de Henri-Georges Clouzot (1947) dans laquelle Suzy Delair est accompagnée par Bernard Blier pour l’inoubliable interprétation de « Avec son tralala » composée par Francis Lopez.

Nous citerons aussi cette immortelle chanson de Jacques Prévert (paroles) et Joseph Kosma (Musique) : « Les feuilles mortes » que le chanteur/comédien Yves Montand a fait connaître au grand public en la mettant à son répertoire au début des années 50. Elle apparaît pour la première fois à l’écran dans le film "Les portes de la nuit" (Marcel Carné - 1946), jouée à l’harmonica par Jean Vilar

Notre choix s’est porté sur une grande dame de la chanson française qui va interpréter un succès international.

Edith Piaf est à la fois chanteuse et comédienne dans « 9 garçons … un cœur » de Georges Friedland, chante avec les Compagnons de la chanson (qui sont 9) « La vie en rose ». C’est une de ses amies, Marianne Michel, qui lui demande en 1945 à la terrasse d’un café d’écrire un morceau et inspire à Édith Piaf les premières notes et les premiers mots écrits sur une nappe de papier : « Quand je vois les choses en rose..". Marianne Michel lui fait remplacer « les choses » par « la vie ». Le texte définitif lui est offert par son auteur fétiche, Henri Contet, pour son anniversaire. Louiguy écrit la mélodie et cette chanson va d’abord fait le tour des cabarets avant d’être reprises à l’écran. Depuis cette date, « La vie rose » a été reprise dans 22 films, en partant de « Sabrina » (1950) à « 127 heures » (2011) en passant par « Il faut sauver le soldat Ryan » (1998) et évidemment par « La Môme »de 2007.

Deux ans plus tard, un gendarme qui sans devenir celui de St Tropez, fera un beau parcours cinématographiques.

Il s’agit de Bourvil qui en 1949 fait une de ses premières apparitions avec « Le roi pandore » de André Berthomieu. « La tactique du gendarme » fait alors le tour de la France. Sur des paroles de Bourvil et Lionel Le Plat et une musique d’Etienne Lorin, la chanson fait sourire la France entière quand qu’un képi pointe le bout de son nez ;

Les années 1950

En 1950, un clochard ouvre l’année avec une interprétation que même les plus petits reprendront sous un air goguenard : "Ma pomme". Interprété dans un film de Marc-Gilbert Sauvajon, cette chanson interprétée par Maurice Chevalier tombe à pic pour positiver « une situation politique et sociale » difficile à cette époque. En effet, dans ce film un vagabond surnommé "Ma pomme", hérite d’une fortune considérable. Peu convaincu des bienfaits de l’argent, le clochard hésite à prendre tous ces millions. Mais les autres héritiers ne peuvent toucher que si "ma pomme" accepte sa part d’héritage. Le vagabond devient alors l’objet de toutes les pressions.

Mais allons voir aussi ce qui se passe à cette époque aux Etats-Unis. Là- bas la Comédie Musicale connait son âge d’or.

Nous aurions pu parler des nombreuses interprétations qui restent dans les oreilles : « Magicien d’Oz », « Broadway Melody », etc. Mais ici nous garderons celle qui relança l’attrait pour ce genre dans les années 80, notamment après « Orange Mécanique » : « Singing in the rain ». « Chantons sous la pluie » (Singin’ in the Rain) de Stanley Donen et Gene Kelly, sorti en 1952, dépeint joyeusement le Hollywood des années 1920 et la transition du film muet au film parlant à travers le parcours de trois artistes interprétés par Gene Kelly, Debbie Reynolds et Donald O’Connor. Singin’ in the Rain, chanson écrite par Arthur Freed et composée par Nacio Herb Brown, est troisième au classement « 100 ans ... 100 chansons » de l’American Film Institute (AFI).En fait elle ne fit pas sa première apparition en 1952, car publiée en 1929, on l’entend déjà en 1929 dans « Hollywood chante et danse » de Charles Reisner, puis dans « La divorcée » (1930), 1939 : « La Ronde des pantins » de Clarence Brown (1939) et « Le Grand Boum » de Malcolm St. Clair. Dans ce film du duo comique Laurel et Hardy, la chanson est entendue lorsque le jet de la douche est détourné. Mais c’est dans « Chantons sous la pluie (Singin’ in the Rain) que la chanson devenant le titre du film qu’elle devient un véritable succès.
Elle fut reprise par la suite dans de nombreux films, entre autres :
-  1959 : « La Mort aux trousses » (North by Northwest) d’Alfred Hitchcock  : dans une chambre d’hôtel, Roger (Cary Grant) sifflote l’air de la chanson en faisant semblant de prendre une douche pendant qu’il observe Eva (Eva Marie Saint) à travers l’entrebâillement de la porte. ;
-  1982 : « La Boum 2 » de Claude Pinoteau : Françoise (Brigitte Fossey), la mère de Vic (Sophie Marceau), se rend au cours de danse de sa fille et l’imagine notamment dans la scène d’introduction de « Chantons sous la plui »e, chantant « Singin’ in the Rain » vêtue d’un imperméable jaune
-  1988 : « Piège de cristal » (Die Hard) de John McTiernan.
-  1994 : « Léon » de Luc Besson  : lors d’un jeu improvisé avec Léon (Jean Reno), Mathilda (Natalie Portman) tente de lui faire deviner des noms de personnes célèbres qu’elle imite. Il ne reconnaît ni Madonna, ni Marilyn Monroe, ni Charlot, mais devine finalement Gene Kelly lorsque Mathilda interprète Singin’ in the Rain en dansant
-  .2007 : « Le Scaphandre et le Papillon » de Julian Schnabel  : un enfant dans une gare chante la chanson et danse dessus.

La même année, Charlie Chaplin réalise « Les feux de la Rampe » et compose une chanson qui fera pleurer bien des « adultes » comme le dit les paroles écrites par André Claveau.

Le film est raconté dans la chanson et relate très bien l’histoire d’un vieux clown au succès passé et d’une jeune danseuse à l’aube de son triomphe.

Toutes ces chansons resteront dans les mémoires malgré le déferlement du Rock and Roll qui débordera toutes les « soaps » des années passées. Le cinéma n’a pas toujours été heureux avec le Rock. Toutefois, quelques morceaux à cause du succès du disque microsillon sur le Topaze des teenagers, apparaîtront au cinéma.

C’est le cas de « Jailhouse Rock » dans le « Le Rock du bagne » (Jailhouse Rock), film musical américain réalisé par Richard Thorpe et sorti en 1957. Cette réalisation est surtout célèbre pour ses chansons, interprétées par Elvis Presley, qui est l’acteur principal du film, car le scénario est mince : Condamné au bagne pour avoir involontairement tué un homme lors d’une bagarre dans un bar, le jeune Vince Everett se lie en prison avec Hank, un ancien chanteur de country qui lui enseigne la guitare. Sorti de prison, Vince rencontre Peggy Van Alden qui décide d’en faire une star. L’ancien bagnard entame alors sa route vers la gloire, mais en oubliant vite ceux qui l’ont aidé ainsi que ses amis

Les années 60 et 70

En France, un jeune chanteur est l’idole des jeunes : Johny Halliday. En 1962 il apparait dans le quatrième sketche « Sophie » tiré du film « Les Parisiennes » réalisé par Marc Allégret, pour interpréter « Retiens la nuit »

Tout au début des années 60, le genre western n’est pas passé de mode. Il faut dire que c’est un genre qui dès le début du parlant (cow-boy chantant) a fait le succès de chansons comme « My darling Clementine » (« La poursuite infernale », 1946) , « Si toi aussi tu m’abandonnes » (« Le train sifflera trois fois » (1952) , « River of no return » (« La rivière sans retour » ; 1954) Mais celle qui plait encore aux plus jeunes et des années après, reste « My rifle, my poney and me ». Il est vrai que deux monstres de la chanson se retrouvaient réunis pour l’occasion dans « Rio Bravo » d’ Howard Hawks : Dean Martin et Rocky Nelson (deux générations). Séquence que Claude Lellouche reprendra dans son film de 2014 « Salaud, on t’aime »

En 1962, "Le tourbillon de la vie" écrite par Serge Rezvani (sous le pseudonyme Bassiak), pour Jeanne Moreau, fait tourbillonner les cœurs. Cette chanson était à l’époque destinée à rester uniquement dans le cercle d’amis de son auteur.

Sept ans plus tard, lors du tournage du film "Jules et Jim" réalisé par François Truffaut, Le Tourbillon s’est imposé dans le film, dans lequel il s’intégrait très bien : « une femme qui hésite entre les hommes, et décide de les aimer tous ».

Deux ans auparavant, une autre « bourreau des cœurs » explique à ses prétendants que « le sien est à Papa » dans le film « Le milliardaire » de Georges Cukor.

Dans son pull bleu suffisamment lâche pour cacher ses formes généreuses mais sexy à plein, Maryline Monroe laisse Yves Montand le milliardaire de service, séduit et médusé.


Marilyn Monroe - My heart belongs to daddy par Mirandoline

Parler d’Yves Montand est l’occasion de faire un petit clin d’œil à deux compositeurs, auteurs interprètes français qui ont parfois aussi joué la comédie. Après « Porte des Lilas » de René Clair, sorti en 1957, Georges Brassens dans lequel il joue un poète désabusé (« Dans le bois de mon cœur » et vaguement anarchique (L’artiste) avec Pierre Brasseur (Juju),


Au bois de mon cœur, extrait de Porte des Lilas

il compose et interprète « Heureux qui comme Ulysse » pour le film éponyme réalisé en 1970 par Henri Colpi. La chanson reprend le premier vers du célèbre sonnet de Du Bellay et évoque le bonheur d’être chez soi, entouré des siens, tout comme Ulysse revenu chez lui.

Charles Aznavour, autre compositeur, auteur, interprète et acteur dans de nombreux films (« Le passage du Rhin  », «  Taxi pour Tobrouk ») connait aussi un grand succès avec ses chansons composées pour ses films.

Notamment avec « Paris au mois d’août » réalisé par Pierre Granier-Deferre en 1966.

« Grease », film musical de Randal Kleiser, engage John Travolta qui s’était déjà fait remarqué dans « La fièvre du samedi soir ». Mais alors que ce dernier film surfait sur la vague « Disco », « Grease » revient à un rythme plus rock.

Parmi tous les airs ayant déjà fait leur preuve dans la Comédie Musicale jouée à Broadway en 1972, « You’re the one that I want » se distingue sur les écrans en particulier en raison de la prestation de Olivia Newton-Jones.

« New York, New York » donne à Liza Minelli un de ses meilleurs rôles.

Tenant déjà un rôle de chanteuse dans « Cabaret » elle récidive dans ce film musical réalisé par Martin Scorcese en 1977. Doyle est un saxophoniste de jazz. Il rencontre Francine Evans, chanteuse, et tous deux jouent dans le même orchestre. Mais Doyle crée son propre orchestre, plus orienté vers la musique noire. Il épouse Francine, mais les aléas de la vie vont les séparer.

Les années de 1980 à 2010

Arrivent maintenant la période contemporaine qui a laissé quelques « monument » de la chanson repris dans les films qui se sont succédé de 1980 à ce jour. Il était impossible d’en dresser une liste complète aussi un choix forcément objectif a été fait pour distinguer les plus marquants.


Les films d’action font fureur et mêlés avec des chansons « pop », les images impressionnent et rehausse la musique. Il faut revenir un peu en arrière pour comprendre le phénomène entrevu déjà en 1967 avec « Le Lauréat (The graduate) » de Mike Nichols. Paul Simon et Gadfunkel trouvent un terrain propice pour élargir l’écoute de « Mrs Robinson » et surtout « Sound of the silence »

C’est aussi le cas avec « The end » interprété par The Doors, et utilisé par Francis Ford Coppola dans l’intro de son film « Apocalypse Now ».

Kubrick reprend cet heureux mixage (Image-son) dans « Full métal Jacket » mais c’est Quentin Torentino qui surprend le plus ( ce ne sera pas la dernière fois) en reprenant un vieux succès de Nancy Sinatra, « Bang Bang » dans son film « Kill Bill » en 2003.

Il est vrai que ce n’était pas la première fois que cette chanson avait été reprise dans un film. En 1967, Serge Piolet avait réalisé « Bang-Bang ». Ce film qui devait d’abord s’appeler « Opération tendresse », puis « Première mission », ou encore « Poursuite-Party » changea de titre pour attirer les fans de Sheila qui interprétait à l’époque de la chanson Bang-Bang et qui fut pris dans le film. Il faut dire que le film et la prestation de l’actrice fut assez lamentable. Comme quoi la chanson ne fait toujours le film.

Du coté Glamour, les films utilisant des airs à succès ont aussi la cote. Sorti en 1996, « Evita » poursuit la tradition des reprises des comédies musicales à succès. Madonna fait polémique en Argentine en tenant le rôle d’une quasie sainte Evita Péron dans le film d’Allan Parker. Il n’en reste pas moins que son interprétation de « Don’t cry for me Argentina » reste comme une des plus célèbres de la Comédie musicale. Pour la petite histoire, le film a permis à Madonna de gagner un record du monde dans le Guinness, sous le titre de "Le plus de costumes changés dans un film". Le record était précédemment tenu par Elizabeth Taylor pour le film de 1963 Cléopâtre (65 changements de costumes).


Madonna - Evita - Don't Cry for Me Argentina... par momti

Loin des costumes, dans un endroit désertique près de Las Vegas, un café nommé « Bagdad Café » permet à Jevetta Steel avec la chanson originale Calling you. (paroles et musique de Bob Telson). Cette chanson figure parmi les 100 meilleurs musiques de film. Ceci confère au film réalisé par Percy Adlon en 1987, un succès mérité.

Ce fut également le cas avec « Bodyguard » réalisé par Mick Jackson 5 ans plus tard. Mais cette fois le destin tragique de l’actrice et interprète de la chanson du film « I will always love you », Withney Houston, morte d’une overdose de médicaments en 2012 ajoute une douleur sentimentale au film.

Bien sûr ce panorama est incomplet, nous aurions pu y ajouter des airs emblématiques :

Jean Gabin chantant en 1936« Quand on se promène au bord de l’eau » (« La belle équipe »), et la même année, Tino Rossi entamant le célébrissime « Marinella » dans le film éponyme ; « Un petit cabanon » niché au coin du film « Trois de la Canebière » de Maurice de Canonge (1955) ; - " La complainte de la butte" sur des paroles de Jean Renoir une musique de Georges Van Parys, Cora Vaucaire assure la voix de l’actrice Anna Amendola le temps de l’interprétation pour le film de Jean Renoir, "French Cancan".( 1955) ;

Après celle liste forcément incomplète, peut-on exprimer des regrets ? Non « Je ne regrette rien »

FIN

Cinécandide