CINEMA ARMERNIEN
Références :
LE CINÉMA ARMÉNIEN : UN CINÉMA DE LA MÉMOIRE de Jean Radvanyi
Les contours du cinéma arménien ne sont pas faciles à déterminer, non seulement parce que l’Arménie a connu une histoire tourmentée, mais également en raison d’une importante diaspora, notamment dans les milieux du cinéma. Surtout, la politique culturelle de l’URSS en matière de cinéma a favorisé les déplacements des individus et les transferts de compétences.
1 . HISTOIRE DU CINEMA ARMENIEN
Amo Bek-Nazarov est considéré comme le fondateur du cinéma arménien dans les années 1920. Le premier studio est Armenfilm.. Le cinéma arménien est né avec le génocide. En effet, si l’on excepte quelques bandes documentaires tournées pour Pathé comme « L’Enterrement du Katholikos Mktrytch I » en 1907, les premiers films de fiction tournés sur des thèmes arméniens datent de 1915 et parlent justement du génocide, mêlant des documents filmés sur place et des scènes tournées en studio, apparemment près de Moscou. « L’Exploit du simple soldat du bataillon N », et « l’Orient sanglant » d’E. Beskin avaient été commandités par de riches arméniens, propriétaires des champs de pétrole de Bakou, comme Lionozov et Mantachev, les fondateurs de la société Biofilm.
En Arménie proprement dite, il faudra attendre l’arrivée du pouvoir soviétique, la nationalisation, en 1922, des quelques salles existantes (il y avait à l’époque plus de salles et de public arménien à Bakou et Tiflis (Tbilissi) qu’à Erevan) puis la création, le 16 avril 1923, du Goskino arménien pour voir apparaître une véritable production cinématographique. C’est en 1924, le documentaire “L’Arménie soviétique”, puis, en 1926, les deux premiers longs métrages tournés entièrement sur place, deux chefs d’ouvre du même réalisateur : Amo Bek-Nazarov, « Namous (L’Honneur) » et la comédie « Chor et Chorchor. »
Les conditions de cette naissance du 7ème Art en Arménie sont très proches de celles qu’a connues la Géorgie voisine. Ce sont d’ailleurs en partie les même hommes qui créent les deux cinématographies, profitant des faveurs accordées à l’organisation de cet art par les autorités qui en font, on le sait, le support de propagande privilégié du pouvoir soviétique.
Amo Bek-Nazarov, qui commence une carrière d’acteur dès 1914 pour les studios Khanjonkov puis pour la "Biofilm", est, en effet, à Tbilissi pour la création du Goskino géorgien avant de partir pour Erevan, et Ivan Perestiani, l’auteur des « Diablotins rouges » tournera quelques films en Arménie.
Ce faisant, les films arméniens expriment toute une richesse caucasienne au sens large. Au-delà même de la similitude des paysages montagnards (encore que la montagne arménienne, faite de sommets volcaniques et de hauts plateaux basaltiques se distingue par sa dureté), c’est un mode de vie commun, héritage de ces vieilles sociétés pastorales, qui fait l’objet même du « Paradis perdu » de David Safarian ou occupe une large place dans « Les Saisons » d’Artavazd Pelechian .
S’il existe incontestablement nombre de parentés caucasiennes, le cinéma arménien demeure indissolublement marqué par les spécificités de l’histoire récente de son peuple. Si l’on devait caractériser par quelques mots la tonalité, la couleur d’ensemble du cinéma arménien, on penserait d’abord à une gravité essentielle, celle d’un peuple toujours aux limites de la survie, qui même quand il sourit, le fait gravement, avec une certaine retenue, parce que sa vie même repose sur une douloureuse mémoire. N’est ce pas celà qui pousse le vieux paysan Arakel, le héros de « Nostalgie » de Frounze Dovlatian à retourner dans son village natal, en Turquie, quitte à risquer sa vie en franchissant illégalement la frontière ?
Film complet
N’est-ce pas cela aussi qui explique la résistance des habitants du village du « Paradis perdu », autour de leur église isolée, contre les pressions de l’administration. La facture de ces films est classique et sans surprise mais on se souviendra sans doute longtemps de scènes comme celle où Arakel découvre comment, malgré la domination turque, quelques arméniens ont su conserver leur foi dans son ancien village. C’est là en tout cas un nouveau jalon marquant, dans l’ouvre de Frounze Dovlatian dont on se rappelle la création comme acteur dans « Les Frères Saroian » ou comme réalisateur avec « Bonjour c’est moi » ou « Le Noyer solitaire ».
L’humour est une composante importante du cinéma arménien, même si les comédies sont rares ou souvent maladroites. Rouben Gevorkiants, le documentariste de « Requiem » s’y est essayé dans la parodie avec « L’Os blanc. » On pourra voir aussi un petit joyau d’humour poétique plein d’émotion avec « Le Mûrier » de Guennadi Melkonian qui nous rappelle quelques uns des meilleurs films de Guenrikh Malian comme« Le Triangle » ou« Nous et nos montagnes ». Car l’humour arménien reste empreint de tragédie et il n’est pas étonnant que des cinéastes d’animation comme Robert Saakiants ou Stepan Galstian y aient largement puisé pour nous offrir ces éblouissantes satires de la société humaine, qu’elles soient directement liées aux événements politiques récents qui secouent leur république ou l’URSS toute entière (« Le Bouton », « Mais à part ça Madame la marquise »), ou évoquent des problèmes plus globaux comme dans « La Leçon », parabole sur l’humanité, le cosmos, la guerre et la nature ou « Le Corridor », sur l’histoire et ses errements.