DANIELLE DARRIEUX
Danielle Darrieux née le 1er mai 1917 à Bordeaux, est une actrice et chanteuse française qui, au cours d’une des plus longues carrières cinématographiques - huit décennies - a traversé l’histoire du cinéma parlant. Elle est entrée dans le cercle des actrices centenaires le 1er mai 2017, rejoignant Renée Simonot (mère de Catherine Deneuve, née en 1911) et Olivia de Havilland (née en 1916).
Biographie
Enfance
Née au sein d’une famille de mélomanes, Danielle Darrieux voit le jour à Bordeaux mais passe son enfance à Paris. Son père Jean Darrieux, d’origine bordelaise, est ophtalmologue ; sa mère Marie-Louise Darrieux-Witkowski qui a des ascendances alsacienne, polonaise et provençale, est une célèbre cantatrice. Elle a un frère cadet, Olivier (1921-1994), qui deviendra lui aussi acteur.
La mort prématurée de son père d’une crise cardiaque, alors qu’elle n’a que sept ans, contraint sa mère à donner des leçons de chant pour subsister. Danielle Darrieux en retire très tôt un goût prononcé pour la musique. Elle est dotée d’une voix menue, mais juste et claire. Elle prend également des cours de violoncelle et de piano, puis étudie le violoncelle au Conservatoire de musique.
Débuts
Par l’intermédiaire du mari d’une élève de sa mère, Marie Serta, elle apprend que deux producteurs, Delac et Vandal, recherchent une héroïne de treize ou quatorze ans pour leur prochain film. Elle se présente aux studios d’Épinay et fait des essais qui se révèlent concluants. Elle débute à 14 ans dans « Le Bal » (1931) de Wilhelm Thiele et, séduisant les producteurs par son allant et sa spontanéité, elle obtient immédiatement un contrat de cinq ans. Ne pensant pas alors exercer le métier d’actrice, elle n’a jamais pris de cours d’art dramatique.
Sa carrière commence avec des rôles de gamine facétieuse et fantasque aux côtés d’acteurs populaires du cinéma français d’avant-guerre : Jean-Pierre Aumont, Henri Garat, Pierre Mingand et surtout Albert Préjean avec qui elle forme, en six films, le couple de charme des comédies musicales françaises des années 1930 (« La crise est finie », « Dédé », « Quelle drôle de gosse »…).
Dès son premier film, elle chante et interprète, dans bon nombre de ses films (bien souvent dans des compositions de Georges Van Parys), des chansons populaires qui deviendront des succès : « La crise est finie », « Un mauvais garçon », « Une charade » et « Premier rendez-vous ».
Durant cette période, elle a aussi tourné dans le film « Mauvaise Graine » (1933), réalisé par un scénariste autrichien exilé, fuyant l’Allemagne nazie, Billy Wilder. Un film tourné dans les rues de Paris en décors naturels. « C’était une sorte de film d’avant-garde » dira Wilder.
Elle devient, en 1935, l’épouse du réalisateur Henri Decoin, rencontré un an plus tôt lors du tournage de « L’Or dans la rue ».
Il lui fait tourner des comédies comme « J’aime toutes les femmes », « Le Domino vert », « Mademoiselle ma mère »...
On la surnomme alors « la fiancée de Paris » et elle rencontre déjà le succès :
« Le succès, c’est un mystère, j’ai réussi peut-être parce que mon personnage n’était pas courant sur les écrans : je veux dire par là que je n’étais simplement qu’une jeune fille, alors que les autres gamines de quatorze ans jouaient déjà à la vamp. »
La Coqueluche de Paris.
Toujours en 1935, Anatole Litvak lui offre un rôle plus dramatique : dans « Mayerling », elle interprète une fragile et touchante comtesse Marie Vetsera aux côtés de Charles Boyer, déjà star en Amérique du Nord.
Le film connaît un succès mondial qui lui ouvre les portes d’Hollywood : elle signe un contrat de 7 ans avec les Studios Universal. Accompagnée de son mari, elle s’embarque pour Hollywood et tourne son premier film américain en 1938, « La Coqueluche de Paris » avec Douglas Fairbanks Jr.. Nino Frank, journaliste, déclare : « Danielle Darrieux débute à Hollywood et elle le fait avec une grâce extrêmement nuancée, un charme dépourvu de timidité, un talent qui enchante parce qu’elle est à l’aise et ne le brandit pas comme un drapeau » Mais très vite elle s’ennuie à Hollywood et préfère casser son contrat pour rentrer en France.
Entre-temps, Danielle Darrieux a déjà tourné un film de Maurice Tourneur, « Katia » qui exploite le succès et la magie de Mayerling. Henri Decoin confirmera également le talent dramatique de Danielle Darrieux avec « Abus de confiance » et « Retour à l’aube » et surtout, profitant de son expérience acquise aux États-Unis, elle tourne « Battement de cœur » . Les trois derniers films de Decoin sont des succès et Darrieux est l’une des vedettes les plus populaires du moment.
Abus de confiance
Darrieux tourne un nouveau film avec Decoin, « Coup de foudre », mais la guerre est déclarée et le film interrompu restera inachevé. Elle séjourna avec lui dans une villa de style basque de Saint-Palais-sur-Mer (près de Royan, en Charente-Maritime) qui surplombe la plage de Nauzan.
Les années de guerre
Divorcée d’Henri Decoin en 1941, avec qui elle conservera toujours des relations amicales, Danielle accepte, la même année, de tourner dans « Premier rendez-vous » pour la Continental. « Comme j’avais – à l’instar de beaucoup de mes camarades – tourné en Allemagne avant la guerre, je n’avais pas une idée bien précise de ce que représentait cette compagnie. »
Elle se remarie en 1942 avec Porfirio Rubirosa, rencontré dans le Midi de la France, ambassadeur de la République dominicaine, qui sera soupçonné d’espionnage contre l’Allemagne au point d’y être interné. Alfred Greven, directeur de la Continental, fait subir des pressions à Danielle Darrieux au point d’exiger d’elle, si elle ne veut pas que « la personne qui lui était chère eût de gros ennuis », de tourner deux autres films, « Caprices » et « La Fausse Maîtresse », pour la compagnie.
Elle fit également partie du voyage à Berlin en mars 1942 en compagnie d’autres acteurs français sous contrat avec la Continental dont Albert Préjean, René Dary, Suzy Delair, Junie Astor et Viviane Romance. Dans un documentaire diffusé sur Arte au début des années 1990, elle déclarait qu’elle n’était partie en Allemagne, qu’après un accord avec les Allemands, en ayant l’assurance de rencontrer son mari Porfirio Rubirosa qui y était incarcéré. Une fois son mari libéré, elle rompt son contrat avec la Continental et passe la fin de la guerre en résidence surveillée à Megève puis, sous un faux nom, dans la région parisienne. Elle ne fut que peu inquiétée à la Libération.
L’après-guerre
Après trois ans d’interruption, Danielle Darrieux revient à l’écran décidée à tourner la page des rôles de jeunes filles écervelées de ses débuts. Après quelques années un peu grises, elle se remarie une troisième et dernière fois le 1er juin 1948 avec Georges Mitsinkidès avec qui elle a son unique fils Mathieu, et commence une seconde carrière.
Jean Cocteau avait envisagé, quelques années plus tôt, d’adapter La Princesse de Clèves avec Danielle. Après quelques films mineurs, il fait appel à elle pour interpréter la reine d’Espagne dans « Ruy Blas » (1948) de Pierre Billon avec Jean Marais. Mais c’est Claude Autant-Lara qui, l’employant différemment, lui donne l’occasion de renouer avec le succès avec trois films, un vaudeville « Occupe-toi d’Amélie » (1949), où elle joue une femme entretenue de la Belle Époque, dans « Le Bon Dieu sans confession » (1953) où, rouée et ambiguë, elle interprète la garce assumée et « Le Rouge et le Noir ».
À nouveau, Henri Decoin la sollicite et l’impose dans un rôle très noir dans « La Vérité sur Bébé Donge » (1952) avec Jean Gabin où elle incarne une épouse aimante et bafouée qui devient une meurtrière statufiée. Elle fera deux autres films avec Decoin, un polar, « Bonnes à tuer », et un film historique, « L’Affaire des poisons », où elle incarne Madame de Montespan.
Dans les années 1950, elle retrouve Hollywood pour quelques films. Elle chante et danse dans une comédie musicale aux côtés de Jane Powell dans « Riche, jeune et jolie ». Elle est choisie par Joseph Mankiewicz pour incarner la comtesse Anna Slaviska dans « L’Affaire Cicéron » avec James Mason, elle joue également la mère de Richard Burton (pourtant son cadet de 7 ans seulement) dans « Alexandre le Grand » (1956) de Robert Rossen.
Un grand directeur d’actrices va exploiter son talent de tragédienneet, revenu de son exil américain, Max Ophüls fait de Darrieux, au début des années 1950, son égérie.
Elle tourne dans trois films majeurs : « La Ronde » (1951) où elle incarne une épouse infidèle que ni son mari ni son amant ne parviennent à satisfaire ; « Le Plaisir » (1952) et surtout « Madame de... » Film qui commence comme une comédie légère et sombre dans le drame. Danielle Darrieux y est comparée à Dietrich et à Garbo.
Elle tourne aussi avec les plus grands acteurs de l’époque Jean Gabin, Jean Marais, Jeanne Moreau, Bourvil, Fernandel, Louis de Funès, Alain Delon, Jean-Claude Brialy, Michèle Morgan, Michel Piccoli… Elle donne également la réplique à Gérard Philipe dans deux adaptations de classiques de la littérature, en amoureuse éplorée dans « Le Rouge et le Noir » (1954) de Claude Autant-Lara d’après Stendhal et en femme d’affaires mêlant autorité et séduction dans « Pot-Bouille » (1957) de Julien Duvivier d’après Zola, deux énormes succès.
Sous la direction de Duvivier, elle est entourée d’acteurs comme Paul Meurisse, Lino Ventura, Serge Reggiani, Bernard Blier… dans un huis clos dramatique, « Marie-Octobre » (1959). Elle tournera encore avec Marcel L’Herbier, Sacha Guitry, Christian-Jaque, Marc Allégret, Henri Verneuil…
Les années 1960
La nouvelle vague la fait tourner, Claude Chabrol dans « Landru » (1962) et Jacques Demy dans « Les Demoiselles de Rochefort » (1967). Elle reste, dans cette comédie musicale, la seule comédienne non doublée au chant.
Parallèlement, elle retourne au théâtre. Après avoir fait ses débuts en 1937 dans une pièce d’Henri Decoin « Jeux dangereux » et quelques pièces au cours des deux décennies suivantes (« Sérénade à trois » de Noël Coward, « Faisons un rêve » de Sacha Guitry…), Françoise Sagan, scénariste du « Landru » de Chabrol, lui offre un rôle en or en 1963, dans « La Robe mauve de Valentine ».
Dominique Delouche, jeune cinéaste, la sollicite pour deux films, « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » (1968), un film que Max Ophüls voulait déjà tourner avec elle et « Divine » (1975), une comédie musicale.
Jacques Demy reprend le projet d’un film abandonné sept ans plus tôt, « Une chambre en ville ». Apprenant cela, Danielle Darrieux contacte le réalisateur, démarche qu’elle n’avait jamais entreprise pour aucun film, en espérant interpréter la baronne Margot Langlois, rôle prévu auparavant pour Simone Signoret. Demy, qui s’était toujours promis de retrouver l’actrice, n’osait pas la solliciter pour incarner le rôle d’une alcoolique. Danielle Darrieux effectue son retour pour ce film, un drame social entièrement chanté (seule elle et Fabienne Guyon chantent avec leur propre voix), succès critique mais échec public.
Paul Vecchiali la dirige dans « En haut des marches » (1983). Elle y incarne le premier rôle d’une institutrice, très proche de la propre mère du cinéaste, qui revient à Toulon quinze ans après la guerre et affronte les souvenirs liés à la mort de son mari, accusé de collaboration et assassiné à la Libération. Elle y chante trois chansons. Danielle Darrieux avait déjà fait une apparition dans son premier film « Les Petits drames » et le retrouvera plus tard dans un téléfilm de 1988 avec Annie Girardot, « Le Front dans les nuages ».
André Téchiné, après un projet avorté « Les Mots pour le dire », parvient à réunir Catherine Deneuve et Danielle Darrieux dans « Le Lieu du crime » (1986).
Par la suite Benoît Jacquot lui donne le rôle d’une vieille excentrique qui veut venger la mort de son amie dans « Corps et biens », Claude Sautet la hisse en directrice d’une chaîne de magasins, mère de Daniel Auteuil dans « Quelques jours avec moi », elle retrouve deux amies complices de toujours, Micheline Presle et Paulette Dubost, dans « Le Jour des rois ».
Danielle Darrieux redouble d’activité dans les années 2000, outre le succès au théâtre avec « Oscar et la Dame rose », François Ozon lui fait tourner son 106e film, qui marque ses soixante-dix ans de carrière, et en fait l’une des suspectes de « Huit Femmes ». Mère de Catherine Deneuve pour la troisième fois, elle y chante le poème d’Aragon mis en musique par Georges Brassens, « Il n’y a pas d’amour heureux ».
En 2006, Danielle Darrieux joue un premier rôle dans « Nouvelle chance » d’Anne Fontaine aux côtés d’Arielle Dombasle et à 90 ans elle est la victime du film d’« Heure zéro » adaptation d’un roman d’Agatha Christie. En 2008, elle prévoit de remonter une dernière fois sur scène pour jouer « La Maison du lac » au côté de Jean Piat mais une chute lors des dernières répétitions l’amène à renoncer à ce projet. En 2009, à 92 ans, elle accepte de tourner dans le nouveau film de Denys Granier-Deferre intitulé « Une pièce montée » aux côtés de Jean-Pierre Marielle.
Elle fit aussi un tour de chant en 1967. À partir des années 1970, Danielle Darrieux partage équitablement sa carrière entre théâtre, télévision et cinéma. Une de ses fiertés théâtrales est d’avoir joué et chanté en anglais à Broadway en 1970, dans la comédie musicale « Coco » interprétant le rôle de Coco Chanel qui avait été joué auparavant par son idole Katharine Hepburn. La critique new-yorkaise salua sa performance.
Prix et distinctions
Danielle Darrieux est chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre des Arts et des Lettres.
Elle a reçu en 1955, 1957 et 1958 la Victoire de la meilleure comédienne du cinéma français.
Elle est également lauréate d’un César d’honneur reçu en 1985, d’un Molière d’honneur décerné en 1997 et en 2003 d’un Molière de la meilleure comédienne dans Oscar et la Dame rose ainsi qu’un Sept d’or en 1995 comme meilleure comédienne pour « Jalna » et un Globe de Cristal d’honneur en 2010.