Le cinéma libanais

  • Mis à jour : 31 août 2018

HISTOIRE DU CINEMA LIBANAIS

Les origines du cinéma libanais remontent à 1929 avec le tournage du premier long métrage « Aventures » d’Alias Mabrouk, sous le protectorat.

Après l’indépendance en 1941, s’installe au Liban une industrie du cinéma bâtie sur le modèle phare de l’époque dans la région, le cinéma égyptien. Plus de vingt films par an seront tournés les années fastes, mais la recherche de succès populaires se fait sans réelle recherche de qualité.

Dans les années cinquante,puis au début des années soixante

Le cinéma libanais s’offre des voies plus originales, s’éloigne du modèle égyptien. Il tente d’abord de renouer avec des formes néo-réalistes .En 1958 Georges Nasser

tourne « Vers l’inconnu »

et « Le petit étranger », des œuvres modernes par leur façon d’occuper la frontière entre fiction et documentaire. Des oeuvres dont on peut encore ressentir l’influence. Ces films sont des succès critiques mais ne rencontrent pas leur public.

C’est la nationalisation du cinéma égyptien sous la férule de Nasser qui donnera enuite au cinéma libanais un essor certain, au moins du point de vue du nombre de films. Producteurs et financiers se réfugient en masse au Liban pour y produire leurs films. Plus de trente films furent réalisés en moins de cinq ans, mais hélas ils ne prirent guère de couleur locale. Et tout ce petit monde repartit pour le Caire comme il en était venu.

La fin des années soixante, le début des années soixante-dix virent enfin le cinéma du pays du cèdre s’interroger sur son identité politique et celle de la nation. La guerre civile couve, la question palestinienne est centrale. Beyrouth (plus du tiers de la population), au coeur de tous les conflits comme de l’identité libanaise, est le lieu de tous les cheminements et de toutes les interrogations.

Cinéma sous les bombes et les occupations

La guerre civile est déjà là, peu avant qu’elle n’éclate, dans « Bayrouth ya Bayrouth », (Beyrouth oh Beyrouth), le film prémonitoire et beau de Maroun Bagdadi

. Les images sont aujourd’hui le témoignage d’un Beyrouth disparu (le café Hajj Daoud) , mais aussi la démonstration de la force du cinéma à décrire des tensions sur le point d’éclater.

Pendant la guerre civile (1975-1990), les cinéastes veulent témoigner et agir dans l’urgence. Les structures de diffusion n’existent plus ou presque, trouver des financements et d’amortir un film exige la participation de producteurs étrangers. Comme le seul véritable but des films du pays en proie aux bombardements est d’interpeller l’opinion internationale, la guerre est le sujet unique.Durant les années de guerre, deux noms ont brillé : Borhane Alaouié, mais surtout Maroun Bagdadi, le plus international des réalisateurs libanais jusqu’à sa mort prématurée à 43 ans après la fin de la guerre.
Maroun Bagdadi
Maroun Bagdadi continue à faire oeuvre de témoignage et d’engagement pour son pays avec des films comme « Houroub Saghira (Les Petites Guerres) », « L’homme voilé », « Hors la vie » (prix du Jury, Cannes, 1991).

EX1 "Hors la vie" (VF) from GALATÉE FILMS on Vimeo.

Si son oeuvre est unique par sa force durant la période , d’autres cinéastes tentent à cette époque d’apporter leur témoignage, plus influencé par leurs choix et leur horizon politique durant cette période critique.
Jocelyne Saab
Jocelyne Saab, journaliste et cinéaste., livre « Le Liban dans la tourmente » ,

Jean Chamoun est un autre de ces cinéastes militants et il donnera à la cinématographie libanaise durant tout le conflit des documentaires axés sur la vie pendant la guerre et sur le rôle des femmes. Il s’essayera également à la fiction avec « À l’ombre de la ville » (2000), hérité du cinéma réaliste cher à Georges Nasser.
Jean Chamoun

Le cinéma de l’oubli

Il est des films qui cherchent l’oubli. Des films qui usent de la force de la jeunesse et de l’humour pour reconquérir le nouveau.
Le plus talentueux de ceux là est sans doute « West Beyrouth » de Ziad Doueiri, un hymne à la vie daté de 1998. Au lever du drapeau tricolore, dans une école,tous les élèves entonnent La Marseillaise. Tous, sauf Tarek qui nargue l’encadrement catholique en clamant dans un mégaphone l’hymne libanais. Hommage au zéro de conduite de Jean Vigo ? Pour Tarek et son camarade de classe, Omar, les débuts de la guerre coïncident avec la découverte de leur sexualité, de l’amour, de l’amitié . Des scènes d’anthologie comme celles de l’usage de leur caméra super-8 ou celle du bordel, un récit d’apprentissage joyeux, un premier film de l’ex-cadreur de Tarantino, un film sur la force de l’enfance devant la haine des adultes.

Nous citerons également « Civilisées » de Randa Chahal Sabbag (jamais encore diffusé au Liban) qui raconte le retour au pays de ceux qui avaient fui abandonnant leurs grands appartements, leurs majestueuses maisons et...leurs domestiques : Sri-Lankais, Philippins, Egyptiens « importés » au Liban par milliers pour servir. Se mêlent ici, le franc -tireur qui contrôle tout à partir du toit, le jeune milicien musulman, la domestique chrétienne, la riche bourgeoise revenue pour retrouver son amant, la vie périlleuse des chats de Beyrouth dans un film truculent et drôle.

Ou encore « Conversation de salon », de Danielle Arbid, discussion de quatre fort honorables bourgeoises autour d’une tasse de thé.
Danielle Arbid

Ou enfin « Bosta l’autobus » de Philippe Aractingi, comme un retour aux sources du cinéma arabe d’antan, une comédie musicale kitsch dans un Liban multicolore et gai.

Qu’il faille parler du retour après l’exil (« Le Chemin des abricots », de Nigol Bezjian), du devenir des militants propalestiniens (« Jusqu’au déclin du jour », de Mohamad Soueid) ou de lettres venus d’ailleurs (« Lettres à Francine », de Fouad Elkoury), toujours la voix off traduit cet exil intérieur de ceux qui n’ont pas encore réussi à réunir leur futur et leur histoire.Comme les trentenaires perdus de « Tarra Incognita » de Ghassan Salhab (1982).

« Beyrouth Fantôme » de Ghassan Salhab (1998) est le film emblématique de toute une période. La voix y dit un texte symptomatique sur l’acte de filmer , aujourd’hui, au Liban : « Peut-être que cela finira d’achever, une fois pour toutes, cette fichue ville. Je veux dire que cela lui donnera enfin une vraie mort, une mort franche, parce qu’après tout c’est là notre problème. On voudrait se relancer, renaitre. Alors que nous ne sommes pas vraiment morts. Nous sommes justes des mourants ». Les personnages sont souvent filmés de dos, comme pour mieux indiquer leur refus du réel.

Une logique que Ghasan Salhab poussera au paroxysme dans le très violent « Le dernier homme »(2006), une histoire de vampires, morts-vivants comme les fantômes, qui sèment la terreur dans le Beyrouth d’aujourd’hui.

Des fantômes, il y en a aussi dans les films de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, le couple phare de la nouvelle génération. Et rien de plus normal puisque l’oncle de Khalil fait partie des 17000 disparus. Dans « A perfect day » leur oeuvre phare, les cinéastes, influencés par la vidéo qu’il enseigne, racontent une double quête, celle de l’amour qui s’enfuit, et celle de l’image du père disparu. Dans le Beyrouth vivant et en chantier, on trouve parfois un cadavre, mais la plus grande partie des mémoires reste à reconstituer. Un film élégant et riche d’inventions, esthétique et subtil.

« Don’t walk » -la grossesse de Joana filmée par khalil-(2000), « Kiamh » - la prison du non-droit en période de guerre-(2000), « Rondes »-réflexions d’un homme au volant dans Beyrouth(2001), Le film perdu-la perte d’une copie au Yemen-(2003), « Cendres » - le retour des cendres du père-(2003), « Open the door please »-un hommage à Tati-(2006) constituent une oeuvre d’importance, toujours traversée des images de l’absence.

Dans ce cinéma hanté de fantômes, il faut également citer Danielle Arbib, dont le premier film « Seule avec la guerre » avait résonné comme un cri à la face des nations en 2000,

et dont « Aux frontières » (2002) et « Dans les champs de bataille » (2004) montrent la quête de territoires perdus qui s’apparentent à sa jeunesse.

Aujourd’hui encore, « les Libanais tentent de renier le passé et la guerre » qui opposa milices chrétiennes aux milices palestiniennes et leurs alliés libanais musulmans et de gauche, affirme à l’AFP M. Aractingi.
Philippe Aractingi

« Traiter la guerre dans le cinéma est une sorte de catharsis. Dans ’Héritage’, j’évoque la nécessité d’en parler à nos enfants pour qu’elle ne se répète pas », dit le réalisateur de deux autres long métrages, « Bosta » (2005) et « Sous les bombes » (2008), qui avaient représenté le pays aux Oscars.

En 2005, le Liban bascule de nouveau dans la tourmente avec l’assassinat de Rafic Hariri, ex-Premier ministre devenu opposé à la tutelle du grand voisin syrien . Suivirent assassinats d’hommes politiques et de journalistes, une guerre destructive en 2006 entre Israël et le Hezbollah et une nouvelle hostilité entre les communautés.
« Depuis 2005, il y a une guerre civile non déclarée (...) les réalisateurs reviennent donc au passé pour comprendre le présent », dit M. Zakkak.

Nadine Labaki
Après 2008, des violences ayant fait 100 morts ont fait craindre une nouvelle civile. Nadine Labaki, « star » du nouveau cinéma libanais et réalisatrice de « Caramel », crée « Et maintenant on va où ? », avec des villageoises chrétiennes et musulmanes tentant à tout prix de dissuader leurs maris de se battre entre eux (2011, Prix du public au festival de Toronto). Parmi les dossiers les plus douloureux, celui des disparus et des mères qui attendent leur retour.

Bahij Hjeij réalise en 2011 « Que vienne la pluie » sur la difficulté du retour d’un disparu à sa famille, tandis qu’Eliane al-Raheb ose en 2013 mettre face à face dans « Layalen bila nawm » (Nuits blanches) un ex-milicien et la mère d’un combattant disparu.

Toutefois, des cinéastes sans oublier les problèmes de violence actuels essaient de traiter des problèmes de société inhérents au Moyen Orient. En 2005 la libanaise Jocelyne Saab signe avec « Dunia » un superbe « hymne polymorphe à la vie » et à la sensualité de la culture et de la poésie orientale, liée au soufisme, qui met en scène une jeune femme qui tente de devenir danseuse professionnelle au Caire et qui questionne la liberté amoureuse et la poésie orientale.

Pour son cinéma, le pays ne manque pas d’atouts. Des talents nombreux qui ont su puiser dans les jours difficiles la capacité à faire avec peu et à aller chercher les financements là où ils se trouvent. Des écoles (ALBA, IESAV de renom et de qualité).
Et surtout de nouvelles figures de proue aptes à continuer à hisser le cinéma libanais en haut des compétitions internationales sans la consécration desquelles il ne peut survivre.
Citons tout d’abord « Falafel » de Michel Kammoun (2006). Une nuit d’été à Beyrouth après quinze ans de guerre, une jeunesse noctambule, une ambiance douce-amère, ont fait de Falafel, le premier long-métrage de Michel Kammoun une oeuvre reconnue, qui, comme Bayrouth ya Bayrouth presque trente ans plus tôt , se révélera prémonitoire d’une invasion israélienne au sud du pays.

Avec « 11, rue pasteur », puis « Caramel » Nadine labaki semble nous promettre des douceurs sucrées pour le cinéma libanais de demain, alors qu’à l’opposé Wael Nourredine, cinéaste à la marge, auteurs de poèmes visuels d’une grande force, reste dans la tradition engagée, livre de belles et nécessaires colères dans « Chez nous à Beyrouth » (2002) , « Ce sera beau, from Beyrouth with love »(2005) et « July Trip » (2006).

Sans oublier « Quand Myriam dit ça » d’Assad Fouladakar (2001), un des premiers films libanais à faire d’un problème moral et social, (la stérilité d’une femme et la pression sociale qu’elle induit) son thème central.
Assad Fouladakar

Mais « à partir de 2005, il y a un retour aux films sur la guerre civile », explique Hadi Zakak, réalisateur et enseignant de cinéma. « Les réalisateurs tentent de revenir à l’origine du problème pour expliquer pourquoi la guerre se poursuit au Liban sous une autre forme ».

FESTIVAL
Le Festival du film libanais (Lebanese Film Festival) est un festival de cinéma annuel, qui se tient à Beyrouth (Liban).

PRINCIPAUX FILMS

Années 1929-1990
« Une vie suspendue » de Jocelyne Saab (1985)

Années 1991-2000
« Hors la vie » de Maroun Bagdadi (1991)
« Il était une fois Beyrouth » de Jocelyne Saab (1994)
« Autour de la maison rose » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (1999)
« West Beyrouth » de Ziad Doueiri (1999)

Années 2001-2005
« Cops » de Josef Fares (2003)
« Le Cerf-volant » de Randa Chahal Sabbag (2003)
« Dans les champs de bataille » de Danielle Arbid (2004)
« Bosta » (l’autobus) de Philippe Aractingi (2005, 110 min)
« Dunia » de Jocelyne Saab (2005)

Années 2006-2013
« De ma fenêtre, sans maison... » de Maryanne Zéhil (2006)
« A Perfect Day » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (2006)
« Sous les bombes » de Philippe Aractingi (2006, 98 min)
« Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (2007)
« Caramel » de Nadine Labaki (2007)
« Un Homme perdu » de Danielle Arbid (2007)
« Une chanson dans la tête » de Hany Tamba (2008)
Et maintenant, on va où ? de Nadine Labaki (2011)
« Blind Intersections » de Lara Saba (2013)

REALISATEURS ET REALISATRICES

  • Borhane Alaouié
  • Ghassan ?Salhab
  • Philippe Aractingi
  • Rania Attieh
  • Maroun Bagdadi
  • Randa Chahal Sabbag
  • Christian Ghazi
  • Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
  • Bahij Hojeij
  • Christophe Karabache
  • Nadine Labaki
  • Jocelyne Saab
  • Maryanne Zéhil
  • Lara Saba

ACTEURS ET ACTRICES

  • Aouni Kawas
  • Hassan Mrad
  • Fouad Naïm
  • Karim Saleh
  • Nadine Labaki
  • Flavia Béchara
  • Sabah (chanteuse)
  • Suzanne Tamim
  • Darina Al Joundi
  • Carole Samaha