BIOGRAPHIE
Enfance et études
Maria Casarès, née le 21 novembre 1922 à La Corogne (Espagne) est la fille de Santiago Casares Quiroga, né à La Corogne en 1884 et mort à Paris en 1950, avocat de profession, mais littéraire dans l’âme et Premier ministre de la Seconde République espagnole, contraint de démissionner le 18 juillet 1936 lors de l’éclatement de l’insurrection militaire.
Sa mère est Gloria Pérez, morte à Paris en 1945. Maria n’est pas une enfant désirée et déclare bien plus tard avec humour : « Quand mes parents m’ont eue, ce fut par distraction ou par maladresse ». Elle a une demi-sœur, Esther Casarès, née d’une première union de son père.
(Maria Casares jeune)
Elle a étudié au Collège de La Corogne. En 1931, la famille s’installe à Madrid. Dans sa nouvelle école, elle a commencé à chanter dans le théâtre. Au début de la guerre d’Espagne, les Portugais-Catalans ont fui le pays d’Espagne pour Paris le 20 novembre 1936, la veille de l’anniversaire de Maria (le père de Maria est un francophone). Ils vivent à l’hôtel Paris-New York, rue de Vaugirard (aujourd’hui disparu). Elle a étudié à l’école secondaire Victor-Duruy, où elle a appris le français.
Elle rencontre l’acteur espagnol Pierre Alcover et son épouse, membre de la Comédie-Française, Colonna Romano. Il aide la famille Casares et pousse Maria à faire du théâtre.
(Colonna Romano)
Elle échoue une première fois à intégrer le Conservatoire national d’art dramatique en raison de son accent trop prononcé. Pendant la Seconde Guerre mondiale, son père part pour l’Angleterre ; elle et sa mère se rendent dans les Landes avant de revenir à Paris dans un appartement au coin de l’impasse de l’Enfant-Jésus et de la rue de Vaugirard. À force de travail, elle réitère et intègre le prestigieux établissement, jouant « Hermione » et « Eriphile », après avoir fréquenté le cours Simon, mais échoue aux épreuves du deuxième baccalauréat. Elle a pour professeur Béatrix Dussane et se lie avec Alice Sapritch. Elle en sort avec un premier accessit de tragédie et un second prix de comédie. Elle est remarquée par Jean Marchat et Marcel Herrand qui montent pour elle de 1942 à 1944 « Deirdre des douleurs » de Synge, « Le Voyage de Thésée » de Georges Neveux, « Solness le constructeur » d’Henrik Ibsen et « Le Malentendu » d’Albert Camus.
Carrière théâtrale et cinématographique
Maria Casarès obtient son premier role en 1942 et au cours des cinq décennies suivantes, jusqu’a l’année de sa mort, joue dans plus de 120 pièces, aussi bien des classiques que des oeuvres contemporaines. André Barsacq lui fait jouer « Roméo et Jeannette » de Jean Anouilh avec, pour la première fois, Jean Vilar au Théâtre de l’Atelier en 1946.
De 1952 à 1954, elle est engagée comme pensionnaire de la Comédie-Française, où elle joue notamment dans des mises en scène de Julien Bertheau, Jean Meyer (créations) ou encore Jacques Copeau (reprise). Maria Casarès aura été « l’Amoureuse des Épiphanies » d’Henri Pichette aux côtés de Gérard Philipe.
Jean Vilar lui propose le rôle de « Lady Macbeth » pour le 8ème Festival d’Avignon et elle entre dans la troupe du T.N.P. Electron libre, Maria Casarès est sollicitée par les créateurs de la modernité et de l’avant-garde : Maurice Béjart lui écrit le ballet « Nuit Obscure » pour la cour d’Honneur du Palais des papes en 1968.
« Nuit Obscure »
Casarès est « La Mère dans Les Paravents » de Jean Genet. A une période où le brechtisme revisité par les tenants de la distanciation gagne du terrain sur la scène française, « la Casarès », tout à la fois, crée des engouements ou irrite mais dans tous les cas, poursuit ses explorations théâtrales auprès des metteurs en scène de la modernité, parmi lesquels l’argentin Jorge Lavelli. Patrice Chéreau la fait jouer et Bernard-Marie Koltès écrira pour le théâtre après l’avoir vu dans « Médée »
La quasi-totalité de sa filmographie est constituée de films français. Certains vont jusqu’à la qualifier de « monstre sacré », expression habituellement réservée à des acteurs ayant une plus grande notoriété que la sienne. Plus objectivement, les cinéphiles s’accordent en général à retenir en priorité les quatre rôles marquants tenus dans les années 1940 : « Les Enfants du paradis »,
« Les Dames du Bois de Boulogne », « La Chartreuse de Parme » et « Orphée ». Elle déclare pourtant préférer le théâtre au cinéma : « Spectatrice pourtant passionnée et émerveillée devant les acteurs de cinéma qui ont su créer à travers leurs films des figures presque mythiques, peut-être parce que je porte en moi une autre forme de narcissisme, je n’ai jamais pu de l’autre côté de la caméra m’attacher à une telle quête ».
Notoriété
Maria Casarès est considérée comme l’une des plus grandes tragédiennes françaises de la seconde moitié du xxe siècle. Ses prestations au festival d’Avignon, pour le rôle de Lady Macbeth notamment, restent une référence. Galicienne de naissance et espagnole de nationalité, elle est une des comédiennes de théâtre les plus marquantes des années 1950 et 1960, passant du drame shakespearien à la primesauterie de Marivaux et d’Albert Camus à Tchekhov.
Claude Jade raconte : « En 1980, je jouais Junie dans Britannicus. Maria était Agrippine. Elle fut étonnante. D’un bout de la pièce à l’autre, elle était habitée, frémissante. Sa manière de dire les alexandrins tenait de l’incantation. Elle cassait les vers avec une violence contenue qui éclatait comme une coulée de lave brûlante. Elle était en larmes, les yeux étincelants, la bouche tremblante. Elle se donnait corps et âme. Quelle actrice unique ! »
Vie privée
Maria Casarès rencontre Albert Camus le 19 mars 1944 chez Michel Leiris. Ils nouent une relation amoureuse pendant les répétitions du Malentendu, en 1944, où elle joue Martha. L’écrivain, qui met Maria au contact de la Résistance et des exilés espagnols, est pour la comédienne « père, frère, ami, amant, et fils parfois ». La fin de la guerre, le retour d’Algérie de Francine Faure, l’épouse de Camus depuis le 3 décembre 1940, la naissance des jumeaux Catherine et Jean, les séparent : ils rompent. Ils se retrouvent par hasard en 1948 et entretiennent une liaison secrète passionnée qui ne prend fin qu’avec la mort accidentelle de l’écrivain, en 1960.
Pour Albert Camus, Maria Casarès sera l’Unique ; et il restera, par-delà la mort, le seul homme qu’elle ait véritablement aimé (« Tu me vertiges », de Florence M.-Forsythe. L’amour interdit de Maria Casarès et Albert Camus). Elle fut peut-être le grand amour de sa vie.
Après la mort d’Albert Camus, pour tenter de la détourner de son profond chagrin, les amis proches de Maria Casarès — parmi lesquels André Schlesser — l’incitent à s’acheter une maison (elle qui ne possédait rien en France).
Le 5 août 1961, Maria Casarès et André Schlesser achètent — une partie chacun — le manoir, les dépendances et les terres de la Vergne, situés sur la commune d’Alloue.
Elle épouse le 27 juin 1978 cet ami de longue date, André Schlesser, mort à Saint-Paul-de-Vence le 15 février 1985. Le couple vécut au n°6 de la Rue Asseline, dans le 14e arrondissement de Paris. Après la mort d’André, ses enfants Anne et Gilles Schlesser lèguent à Maria Casarès la partie du domaine de La Vergne qui appartenait à leur père.
Elle repose à côté de son mari dans le cimetière de cette commune. Pour remercier la France d’avoir été une terre d’asile, Maria Casarès, sans descendance, fait don à la commune d’Alloue du domaine et du manoir de La Vergne — qui, désormais, lui appartiennent donc en entier — situés sur la rive droite de la Charente, en amont du village. Le lieu est depuis un lieu de rencontres et de conférences ayant pris le nom de « La Maison du comédien - Maria Casarès ». L’acteur François Marthouret est actuellement le président de l’association.
Filmographie
1942 : Étoiles de demain court métrage de René Guy-Grand
1944 : La Vie secrète des visages court métrage d’Albert Guyot
1945 : « Les Enfants du paradis » de Marcel Carné
1945 : « Les Dames du Bois de Boulogne » de Robert Bresson
1946 : Roger la Honte d’André Cayatte
1946 : La Revanche de Roger la Honte d’André Cayatte
1946 : L’Amour autour de la maison de Pierre de Hérain
1946 : La Septième Porte d’André Zwobada
1947 : « La Chartreuse de Parme » de Christian-Jaque
1948 : Bagarres d’Henri Calef
1950 : L’Homme qui revient de loin de Jean Castanier
1950 : « Orphée » de Jean Cocteau
1951 : Ombre et Lumière d’Henri Calef
1956 : Le Théâtre national populaire court-métrage documentaire de Georges Franju
1959 :« Le Testament d’Orphée » de Jean Cocteau et Claude Pinoteau
1972 : Les Deux Mémoires documentaire de Jorge Semprún
1973 : Jean Vilar, une belle vie documentaire de Jacques Rutman - Participation
1974 : Flavia la défroquée (Flavia, la monaca musulmana) de Gianfranco Mingozzi
1975 : L’Adieu nu de Jean-Henri Meunier
1984 :« Blanche et Marie » de Jacques Renard
1987 : Elle est là de Michel Dumoulin
1987 : De sable et de sang de Jeanne Labrune
1988 : La Lectrice de Michel Deville
1989 : Monte bajo de Julian Estaban Rivera
1990 :« Les Chevaliers de la Table ronde » de Denis Llorca
1995 : L’Amérique des autres (Someone Else’s America) de Goran Paskaljevic