Cinéma et Histoire militaire : Diên Biên Phù

  • Mis à jour : 17 mars 2020

- 4 mars 1992 : Sortie du film « Diên Biên Phù » de Pierre Schoendoerffer

Synopsis =
En mars 1954, le reporter américain Howard Simpson est envoyé à Hanoï pour couvrir la guerre d’Indochine. Il assiste impuissant au début de la sanglante bataille de Diên Biên Phu...

Distribution =
Les personnages du film portent des noms fictifs. Leurs rôles sont inspirés de la vie d’hommes qui ont effectivement existé, bien qu’il y ait eu des « arrangements » pour les besoins du film.

Militaires
Patrick Catalifo : capitaine Jegu de Kerveguen
Maxime Leroux : lieutenant d’Artillerie Coloniale1.
François Négret : brigadier du Train des équipages
Patrick Chauvel : lieutenant Duroc, pilote de DC3
Christopher Buchholz : capitaine Morvan, de l’État-major
Raoul Billerey : le père Wamberger, aumônier catholique, surnommé le « padre »
Eric Do : lieutenant Ky, officier du 5e BPVN
Sava Lolov : maréchal des logis Thade Korzeniowski, du 1er RCC
Luc Lavandier : sergent du détachement de partisans Thaïs
Ludovic Schoendoerffer : caméraman du service cinématographique des armées2.
Igor Hossein : photographe du service cinématographique des armées
Geneviève de Galard : infirmière militaire, seul son prénom étant cité

Civils
Donald Pleasence : Howard Simpson, journaliste américain du San Francisco Chronicle, il est censé avoir obtenu le Prix Pulitzer
Ludmila Mikaël : Béatrice Vergnes, violoniste du conservatoire de Paris, en tournée en Extrême-Orient. Cousine du capitaine de Kerveguen
Jean-François Balmer : journaliste de l’AFP
Lê Vân Nghia : le cyclo-pousse surnommé « vieux crabe »
Long Nguyen-Khac : M. Vinh, imprimeur et homme de lettres, nationaliste
Thé Anh : Ông C ?p, c’est-à-dire « Monsieur Tigre » financier chinois, organisant les jeux d’argent
Maïté Nahyr : l’eurasienne tenancière, négociante d’opium
Hoa Debris (V. F. Espérance Pham Thai Lan) [archive] : Betty, patronne du bar « Normandie »
Thu Ha : fiancée du maréchal des logis Thade Korzeniowski

Commentaires =

La bataille de Diên Biên Phu a déjà fait couler beaucoup d’encre, de nombreux livres ont été écrits sur la bataille décisive de la guerre d’Indochine. Le réalisateur Pierre Schoendoerffer connaît très bien le sujet puisqu’il a lui-même participé à la bataille, en tant que caméraman pour le service cinématographique des armées. L’un de ses fils, Ludovic Schoendoerffer, joue son rôle dans le film.

Tourné au Viêt Nam avec la participation de l’armée vietnamienne, qui a fourni de nombreux figurants, le film ne comporte pas d’anachronismes sérieux comme on peut souvent en voir dans certains films de guerre. Les matériels et les uniformes français de la guerre d’Indochine provenaient des stocks américains de la Seconde Guerre mondiale, la représentation a été fidèlement reproduite pour le tournage. Pour l’occasion, trois véritables avions Dakota DC3 ont été achetés aux États-Unis et transportés, par bonds successifs et grâce à des réservoirs supplémentaires, sur les lieux du tournage. Les armes individuelles, les véhicules à roues et la présence d’un pont Bailey traversant la Nam Youm, sont à l’image de ce qui existait à Diên Biên Phu en 1954. Les dix chars M24 Chaffee de l’escadron blindé qui se trouvait sur place en 1954, sont représentés par quelques M60 Patton maquillés, issus des anciens stocks de l’armée du Sud Vietnam vaincu en 1975 et rattaché au Viêt Nam actuel.

Un véritable effort a également été consenti pour reproduire une partie des tranchées, et même les dessus du poste de commandement de la place (PC GONO). Le champ de bataille a été reconstitué dans un site « vierge » ressemblant plus au Di ?n Biên Phu de 1954 qu’à l’actuel, très urbanisé.

L’Opéra de Hanoï
Les scènes du film se déroulant à Hanoï ont réellement été tournées dans l’ancienne rue Paul Bert, près du pont Long Biên, ancien pont Doumer, l’un des symboles de l’ancienne présence française au Viêtnam. Des scènes ont également été tournées dans et devant l’opéra de Hanoï. Enfin, des scènes ont été tournées à l’aéroport de Gia Lâm, non loin de Hanoï, aéroport d’où se sont effectivement envolés vers Diên Biên Phu les parachutistes pendant la bataille.

Le film présente une série d’évènements et d’actions individuelles, souvent anonymes, relatés dans la littérature abondante consacrée à la bataille, ou issus des souvenirs directs du réalisateur. Pour les besoins du montage, ils ont été réunis et attribués à quelques acteurs.

Enfin, l’acteur principal, Patrick Catalifo, campe au travers de son rôle du capitaine Jegu de Kerveguen un ensemble de figures s’étant illustrées au cours de la bataille, en particulier celle du capitaine Alain Bizard, du 5e BPVN qui tenait Huguette avec une compagnie de marche.

Citations du film
« Voyez vous, Monsieur Simpson, peut-être Giap gagnera, peut-être les Français gagneront, mais moi, sûr, je gagnerai beaucoup. » — Ong Cop, le Chinois

« Quand tout sera fini, je vous dirai combien de millions ont été joués, et vous me direz combien de vies ont été perdues, ça sera intéressant de comparer. » — Ong Cop, le Chinois

« Profite de la guerre, parce que ce qui viendra après sera terrible. » — tenancière, négociante d’opium

« Monsieur Simpson, dites la vérité, seulement la vérité. On dit trop de mensonges sur notre guerre et sur nous. » — lieutenant Ky, du 5e BPVN

« J’aime la France, pas forcément les Français, il faut pas trop en demander » — M. Vinh, imprimeur nationaliste

« Il est assez plaisant pour un capitaine breton, d’humeur aventureuse, d’être tout à la fois au service d’un empereur, de deux rois et accessoirement, d’une république. » — capitaine Jegu de Kerveguen

« Une seule et même loi régit la course de l’obus et celle de la terre autour du soleil, c’est bon à savoir quand même, c’est réconfortant. Tu vois fiston, c’est pas par hasard que ça nous dégringole dessus, c’est la loi du vieil Isaac. » — lieutenant d’artillerie

« La mort c’est la victoire de la pesanteur. » — lieutenant d’artillerie

« À quoi ça sert de tuer l’ours, si on n’a pas d’abord vendu la peau ? C’est d’un de mes amis juifs à Brooklyn. » — journaliste Howard Simpson

« Le sacrifice de la vie est un sacrifice énorme. Il n’y en a qu’un qui soit plus terrible. Le sacrifice de l’honneur. » — le père Wamberger

« Le soldat doit s’efforcer de calquer son action sur celle du morpion, cet animal sublime qui meurt mais ne décroche jamais, c’est le vieux Joffre qui disait ça. » capitaine Jegu de Kerveguen

Vers la fin, lorsque la bataille est perdue pour les Français, le journaliste français (joué par Jean-François Balmer) écrit un dernier article qui cite le poème L’Expiation (1853) de Victor Hugo :
« Est-ce le châtiment cette fois, Dieu sévère ? » Alors parmi les cris, les rumeurs, le canon, Il entendit la voix qui lui répondait : Non ! »

Conclusion du réalisateur
Le réalisateur Pierre Schoendoerffer est également le narrateur du film. Il en commente les phases principales. C’est lui qui offre la conclusion avant le générique de fin :
« Ce film a été tourné moins de quarante ans après la bataille de Diên Bien Phu, au Vietnam, au Tonkin comme nous disions autrefois, avec les Vietnamiens et l’armée du Viêtnam. Ce fut une expérience bouleversante, pour eux comme pour nous. Refermant une page douloureuse de notre histoire, elle n’a de sens que si elle contribue à renouer des liens avec ce Vietnam que nous aimons, que j’aime. »