Le cinéma du Tadjikistan

  • Mis à jour : 6 avril 2022

L’expression de cinéma tadjik recouvre l’ensemble des activités de production et réalisation au Tadjikistan, d’abord comme composante du cinéma russe et soviétique puis de façon indépendante à partir de 1991. La production tadjike des années qui précèdent l’indépendance peut être distinguée de la production russe par la langue de tournage des films concernés (principalement tadjik), par la thématique nationale ou par la nationalité de leurs réalisateurs et acteurs.

HISTOIRE DU CINEMA TADJIK

Les premiers films

Durant les premières années de son existence, le studio de cinéma ne disposait pas de l’équipement et de la technologie nécessaires, incitant ses équipes à faire preuve d’ingéniosité en transformant du matériel photographique en outils de tournage.
À cette époque, pour se rendre sur le lieu de tournage par exemple, les équipes utilisaient tous les moyens de locomotion qui leur étaient accessibles : tantôt marcher à pied, tantôt monter à cheval, à dos de chameau ou à dos d’âne, tantôt en étant recueillis par des automobilistes au gré de la chance et du hasard. C’est notamment grâce à un travail acharné et à la persévérance que les équipes du studio Tajikfilm ont pu capturer l’histoire et la culture du Tadjikistan et de ses habitants.
Au cours de ses premières années d’existence, Tajikfilm a produit en parallèle à la fois de nombreux documentaires de propagande, mais également plusieurs films d’auteur. À cette époque, la technologie pour réaliser des films était simple et rudimentaire. Les films étaient réalisés sans son, en noir et blanc. Parmi les premiers longs métrages muets figuraient « Droit à la dignité » (1932), « Loin de la frontière » (1932), « Quand les émirs meurent » de Lidia Petchorina(1932) et « Le Dieu vivant » (1935).

Kamil Yarmatov et le cinéma tadjik

Le début de l’histoire du cinéma tadjik est largement associé au nom de Kamil Yarmatov. En 1934, il réalise « L’Emigrant », considéré comme le meilleur long métrage muet tadjik. Dans ce film, Kamil Yarmatov joue lui-même le rôle du personnage principal, Kamil, et sa femme Sofia Touïboïeva lui donne la réplique. L’Emigrant raconte l’histoire d’un jeune homme qui tente d’aller chercher fortune et bonheur en émigrant. Ne trouvant finalement ni l’un ni l’autre hors des frontières, il retourne dans son pays natal, apprenant au cours de son voyage la vraie valeur de celui-ci. Malgré le caractère propagandiste du film, visant à promouvoir la vie dans l’Union soviétique socialiste plutôt qu’ailleurs, il illustre pour la première fois à l’écran la vie nationale tadjike.

La collaboration avec Soyouzdetfilm

L’époque de la Grande guerre patriotique (l’opposition entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie durant la Seconde guerre mondiale, ndlr) est considérée comme une autre étape importante dans le cinéma tadjik. À l’été 1941, la plupart des studios de cinéma soviétiques sont évacués vers l’Asie centrale, notamment au Tadjikistan.
C’est alors que Soyouzdetfilm fusionne avec le studio Tajikfilm. Cette collaboration a notamment permis un échange des connaissances et des techniques entre les équipes des deux studios, les équipes de Tajikfilm apprenant aux côtés des cinéastes plus expérimentés de Soyouzdetfilm.
À la suite de cette collaboration, d’excellents films tels que « Le Fils du Tadjikistan » (1942)

et « Film musical tadjik » ont été produits. Outre le caractère propagandiste des deux films, y figure également une tentative de glorification de la culture nationale tadjike.

Le développement d’un nouveau point de vue

Dans la seconde moitié des années 1950, une autre période de développement du cinéma tadjik commence. La limitation du point de vue à la seule illustration des éléments extérieurs des personnages et du pays ne faisant plus l’unanimité, une nouvelle vision s’impose. Pour ce faire, le studio décide d’illustrer les aspects plus profonds et plus complexes de la vie des Tadjiks et du Tadjikistan. A cette époque, le studio Tajikfilm travaillait déjà à la création de films en couleur avec son.

Mais la première filmographie significative (18 films) est celle de Boris Kimyagarov, avec « Dokhounda » (1956), « Roustam et Soukhrab » (1971), d’après l’œuvre épique de Abu’l-Q ?sem Ferdousi,

ou son dernier film « Un homme change de peau », réalisé en 1978, un an avant sa mort. le réalisateur Boris Kimiagarov, d’origine ouzbèke, ra mis en valeur la culture et les traditions tadjikes. À cette époque, il est considéré comme l’un des principaux réalisateurs du paysage cinématographique tadjik. Grâce à son travail, le cinéma tadjik a eu l’opportunité d’exposer les thèmes vitaux de son identité nationale, notamment la culture persane, et d’en faire des films renommés. Ses films sont considérés comme des œuvres majeures de la cinématographie tadjike, comme « Le destin d’un poète », lauréat du premier prix du Festival du film du Caire en 1959.

Parmi les cinéastes de la même génération, on peut relever les noms de Vladimir Motyl (« Les Enfants du Pamir » 1963), Moukadas Makhmoudov, Takhir Sabirov (« La Légende de l’amour », 1963), Anvar Touraev ou Souvat Khamidov.

La recherche de nouveaux thèmes et d’une nouvelle esthétique

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, des transformations quantitatives et qualitatives ont eu lieu dans le cinéma tadjik. De nouvelles approches et de nouveaux thèmes ont émergé tant à travers les documentaires que dans les films d’auteur.
Ces innovations ont été mises en œuvre par une nouvelle génération de cinéastes tels que Maïram Yousoupova, Poulod Akhmedov, Safar Khakdodov, Goulbakhor Mirzoïeva, Tolib Khamidov, Saïf Rakhimov, Bakhtiar Khoudojnazarov, Jamched Ousmonov et Safarbek Solekh, qui, malgré le caractère propagandiste des films réalisés, ont tenté d’y insuffler de nouveaux thèmes.
La fin du xxe siècle voit s’affirmer de nouveaux talents, tels que Davlat Khoudonazarov (« La Berceuse », 1966 ; « Les Murmures d’un ruisseau dans la neige qui fond » , 1982), Bako Sadykov (« La Tornade », 1989)

ou encore Bakhtia Khudojnazarov (« Bratan, le frère », 1991 ;

« Le Costume » 2003).

Des difficultés après l’indépendance

Après l’effondrement de l’Union soviétique et l’indépendance du Tadjikistan en 1991, la cinématographie nationale a été confrontée à la crise financière et économique la plus grave de son histoire, due au déclenchement de la guerre civile. A cette période, la plupart des travailleurs du cinéma tadjik ont été contraints de quitter le pays.
Par conséquent, une partie des films de cette époque ont été réalisés à l’extérieur du pays. Parmi eux, il y a « On est quitte » (1993) et « Luna Papa » (1999) de Bakhtiar Khoudojnazarov

, « Flight of the Bee » (1998) et « L’Ange de l’épaule droite » (2002) de Jamched Ousmonov.

C’est également au cours de ces années que plusieurs studios de cinéma privés sont apparus dans le pays, notamment les studios Sinamo et Kino Service.

Les années 2000

En 2003, la Semaine du film d’Iran s’est tenue à Douchanbé, capitale du Tadjikistan. Plusieurs films iraniens, dont « Mes yeux pour vous »,« Le Dernier souper », « La Fiancée », « Avicenne et Passion » furent projetés au Cinéma Vatan à Douchanbé.

Dans la première moitié de l’année 2020 marquée par la pandémie, Tajikfilm a tourné trois longs métrages d’auteur, trois courts métrages, dix documentaires et un film d’animation. Certains nouveaux films tadjiks ont déjà acquis une reconnaissance internationale.

« The Cry of Tanbur » d’Anisa Sabiri, « Rêveurs provinciaux » de Roumi Choazimov, Le bus d’Abdoulkhaï Zokirov et de nombreux autres films réalisés par des Tadjiks sont aujourd’hui connus non seulement au Tadjikistan, mais aussi à l’étranger. En 2006, un film tadjik « Pour aller au ciel, il faut mourir »,(Bihisht faqat baroi murdagon) a été présenté en sélection officielle au 59e Festival de Cannes, dans le cadre de la section "Un certain regard".

Son réalisateur, Djamshed Usmonov, s’était déjà fait connaître en France avec « Le Vol de l’abeille » (coréalisé par Min Byung-Hun) et surtout avec « L’Ange de l’épaule droite », également sélectionné à Cannes dès 2002.

Ainsi, le cinéma tadjik poursuit sa mission originelle, à savoir présenter sa culture nationale au monde, comme il le fait depuis ses débuts.

LES STRUCTURES DU CINEMA TADJIK

STUDIOS

Le studio de production cinématographique Tajikfilm a fêté ses 91 ans en 2021, l’occasion de revenir sur l’histoire de ce studio de cinéma tadjik qui cherche désormais à reprendre son élan dans un nouveau format et un nouveau style.

Au cours de son existence, le studio Tajikfilm a traversé différentes périodes. De sa création en 1930 au développement rapide dans les années 1960 puis à l’accalmie après la dissolution de l’URSS, le studio de cinéma a toujours su innover et se renouveler, sans jamais stagner.

« ?Même pendant les années de la guerre civile, des films ont été réalisés et sont conservés dans les archives ? », a déclaré en 2020 Tolib Rakhmatoulloïev, directeur adjoint du studio, lors de la célébration de la Journée du cinéma tadjik et du 90ème anniversaire du studio de cinéma.

C’est le 15 mai 1930 que le petit laboratoire de cinéma tadjik, par décret du Conseil suprême de l’économie nationale, prend le nom de Tajikkino. En 1938, le studio de cinéma est renommé ?Stalinabad Film Studio, puis fusionne brièvement avec le studio Soy ?uzdetfilm (aujourd’hui Studio Maxim Gorki) entre 1941 et 1943 avant de finalement reprendre son indépendance et son nom définitif, Tajikfilm, en 1961.

A l’origine, le studio produit des films d’actualité et des documentaires, puis, à partir de 1932, il se lance également dans la production de longs métrages. Derrière ce studio se cache toute l’histoire du cinéma tadjik, des films au style ethnographique et les noms de leurs réalisateurs, connus dans le monde entier.

Après avoir traversé des années difficiles, le studio de cinéma Tajikfilm reprend son souffle et cherche désormais à présenter ses films dans un nouveau format et dans un nouveau style. La nouvelle génération a apporté avec elle de nouvelles valeurs, une nouvelle vision, de nouveaux thèmes. Ces dernières années, le studio de cinéma a tourné des films tels que « Barkhourd » de Firdaous Niyozov, « Tasfiya » de Charofat Arabova,

« Durbin » de Robiya Atoïeva, « Taxi » de Faïzoullo Faïzov ou encore « The Cry of Tanbur » d’Anisa Sabiri.

FESTIVALS DE CINEMA

Le Festival du Film Tadjik s’est tenu à Douchanbé en 2019
Né de la volonté conjointe de l’Ambassade de France au Tadjikistan, dépendante du Ministère de l’Europe et des Affaires Internationales de la République Française, du Centre Culturel Bactria, de Todjikino, de l’UNESCO et du Goethe Institut, le premier Festival du Film Tadjik de Douchanbé a eu lieu du 25 novembre au 1er décembre 2019.
Le Festival s’est ouvert dans les salons de l’Hôtel Hyatt Regency, disposant d’une salle de cinéma, en présence d’un public composé de diplomates (Ambassades d’Angleterre, d’Allemagne, du Japon, du Pakistan, d’Inde,…), de personnalités politiques, économiques et culturels Tadjiks ou étrangers, de partenaires privés, comme la directrice commerciale d’Auchan, de représentants d’ONG tels Médecins sans frontières, La Croix rouge internationale,…
La cérémonie d’ouverture s’est déroulée de façon toute à la fois protocolaire et amicale, devant beaucoup à la personnalité chaleureuse de SEM l’Ambassadrice de France, Yasmine Gouédard.
Après les messages de bienvenue de l’Ambassadrice de France et du Directeur de Todjikino, la présentation des membres du Jury, un spectacle de danse, un concert de musique traditionnelle Tadjik, le cocktail d’ouverture, le film d’ouverture, l’excellent « Luna Papa » de Bakhtyor Khudojnazarov (1999) fut projeté. Ce film, devenu culte, est considéré, à juste titre, comme le film marquant la renaissance du cinéma Tadjik, après la terrible guerre civile qui ensanglanta le Tadjikistan de 1992 à 1997.

59e Festival de Cannes

En 2006, un film tadjik « Pour aller au ciel, il faut mourir » (Bihisht faqat baroi murdagon) a été présenté en sélection officielle au 59e Festival de Cannes, dans le cadre de la section "Un Certain Regard". Son réalisateur, Djamshed Usmonov, s’était déjà fait connaître en France avec Le Vol de l’abeille (co-réalisé par Min Byung-Hun) et surtout avec L’Ange de l’épaule droite, également sélectionné à Cannes dès 2002.

CINEASTES

- Mihail Verner (1881-1941) : Le Dieu vivant (1941)
- Amo Bek-Nazarov (1892-1965) : Le prince enchanté (1959)
- Dimitrij Vasilev (1900-) : Le Dieu vivant (1934)
- Kamil Yarmatov (1903-1978) : L’émigrant (1934)
- Vasilij Pronin (1905-1966) : Le fils du Tadjikistan (1942)
- Lidja Pecorina (1905-) : Quand meurent les émirs (1932)
- Klimentij Minc (1908-) : Concert cinématographique tadjik (1943)
- Rafail Perelstejn (1909-) : L’homme change de peau (1959)
- Nikolaj Dostal (1909-1959) : Le jardin (1939)
- Tatjana Berezanceva (1912-) : Leïli et Medjnoun (1960)
- Aleksandr Davidson (1912-) : Zoumrad (1961)
- Abdusalom Rahimov (1917-) : Zoumrad (1961), Douze heures d’une vie (1963), Le feu sous la cendre (1967), L’étoile dans la nuit (1972), Brèves rencontres au cours de la Grande Guerre (1975)
- Bension Kimjagarov (1920-1979) : Dokhunda (1966), ...
- Daniil Hrabrovickij (1923-1980) : L’appel (1966)
- Nikolaj Litus (1925-) : Mon ami Navruzov (1957)
- Mukadas Mahmudov (1926-) : Petites histoires sur les enfants qui... (1961), La 1002e nuit (1972), Le piano blanc (1968), Cinq sur un sentier (1973), Le cuisinier et la cantatrice (1978)
- Vladimir Motyl (1927-2010) : Les Enfants du Pamir (1963)
- Tahir Sabirov (1929-) : Il est temps que notre fils se marie (1959), ...
- Latif Fajziev (1929-) : Le soleil se lève sur le Gange (1975)
- Anbar Turaev (1934-) : La Troisième Fille (1970), Le Premier Amour de Nasreddine (1977)
- Marat Aripov (1935-) : Nisso (1965), Le mystère de la tribu (1972, Le secret des ancêtres)
- Garnik Arazjan (1936-) : La route blanche (1974)
- Ali Hamraev (1937-) : Aimer ne pas aimer (1963)
- Margarita Kasymova (1938-) : L’été 43 (1967), Djoura Sarkor (1968), Il y avait une fois en première classe (1977)
- Suvat Hamidov (1939-) : La rencontre près de la vieille mosquée (1969), Le mystère du col oublié (1973)