Le grand truc de Lindsay, c’est l’espionnage et plus particulièrement le sous James Bond fauché, genre dans lequel il va s’illustrer à plusieurs reprises en créant le personnage de Charles Bind, l’agent n°1, clone transparent de 007. Charles Bind est le meilleur agent de sa Majesté et il le sait. Alors il se la pète. Le sourire narquois, le bon mot aux lèvres quand il liquide un méchant, monsieur roule en Excalibur et porte le smoking ou le costume sur mesure en toutes circonstances, sous lesquels il cache deux 357 magnum avec lesquels il aime jongler pour emballer les gonzesses.
N°1 OF THE SECRET SERVICE : Générique par Mandrakvids
Comme son illustre collègue, il doit affronter un millionnaire mégalomane illuminé, Arthur Lovejoy, qui fait assassiner les plus grands industriels du monde. Celui-ci utilise pour se faire les services d’une organisation de tueurs professionnels impitoyables, le C.R.A.S.H. Crimes, Rapts, Attentats, Sabotages et Homicides. Formidable collection de trognes patibulaires et de psychopathes excentriques, on y croise un géant muet, chauve et borgne, un cow-boy tireur d’élite qui pratique le rasage au flingue, un culturiste tenu en laisse, une femme vampire en cape et porte-jarretelles, etc... . Comme il se doit, cette armée du crime s’entraîne à balles réelles dans un centre secret situé quelque part dans un sous-bois où seuls les meilleurs combattants s’en sortent vivants.
N°1 of the Secret Service : Rasage au flingue par Mandrakvids
L’agent numéro 1 mène donc l’enquête et s’intéresse vite à Lovejoy, enfant pauvre dont le père a été victime de la société et qui ne fait pas mystère de ses intentions de la purger des hommes les plus riches du monde grâce à la fortune qu’il a lui-même accumulé. En quelque sorte un personnage de la "Brigade Rouge" . Dès leur première rencontre, le millionnaire, après avoir expliqué ses intentions et tenté de liquider l’espion au moyen d’une karatéka en peignoir de soie, lui annonce qu’il a mis sa tête à prix par les tueurs de CRASH. Plutôt que de l’arrêter ou de le mettre hors d’état de nuire avec son permis de tuer réglementaire, Bind préfère tourner autour de sa proie et neutraliser des tentatives d’assassinats régulières et successives.
C’est dans ce décalque poussé à l’extrême des méthodes d’enquête de 007 que réside le ressort essentiel de l’intrigue : Bind retrouve Lovejoy dans un club, un bar ou un hôtel, se lance dans une petite joute verbale amicale où Numéro 1 essaye d’en apprendre plus sur le plan du méchant. Lovejoy s’éclipse non sans lancer un petit avertissement ironique sur les dangers de sa profession d’espion ou sur la qualité des séides qu’il a engagé. Immanquablement l’agent est attaqué par un nouveau tueur qu’il défait sans coup férir. Lovejoy repasse alors pour le féliciter ou lever son verre à la virtuosité du maître espion.
Charles Bind se la joue donc super espion classieux et distancié, un peu à la Roger Moore, le 007 de l’époque, mais avec un petit truc en plus : une touche de vulgarité qui n’appartient qu’à lui. Jamais en parole, non, mieux que cela, en action. Ainsi lorsqu’il va voir son chef, il flirte avec sa secrétaire. Mais attention là il ne d’agit pas de lancer son chapeau sur un porte manteau et de glisser quelques répliques à double sens pleines de sous-entendus. Non non ! Numéro 1, c’est pas une tafiole, lui, il y va direct et lui colle la main aux miches. De même, à chaque fois qu’il fait le point sur la situation avec Anna sa partenaire dans sa chambre d’hôtel, il commence par lui arroser la poitrine avec un siphon d’eau de seltz, façon concours de T-shirt mouillé avant de lui peloter les seins sous prétexte de nettoyer la tache. La classe.
Et puis quand il faut faire parler la poudre, on ne la lui fait pas non plus. Avec son duo de 357 magnum, il liquide les ennemis par paquets de six et quand ça ne suffit pas déclenche le gadget ultime de son Excalibur : une mitrailleuse lourde calibre .50 qui jaillit du moteur et qui taille en pièces l’armée des méchants. Littéralement, puisque les membres ensanglantés des gredins volent à travers les airs. Ajoutons à cela que, régulièrement et souvent sans raison, il se lance dans quelques pirouettes et saltos arrières que n’aurait pas renié un super héros masqué italien des années 60.
N°1 of the Secret Service : Gros carnage par Mandrakvids
Très petit budget oblige, pas d’aventure tropicale à l’horizon. L’action reste essentiellement localisée dans la banlieue londonienne avec un détour à Manchester. Un manoir, un petit bois, un ou deux hôtels et pour les scènes d’action de préférence quelques friches industrielles ou ruelles impersonnelles. Il y a juste une ou deux scènes tournées à la va-vite dans Hyde Park ou sur quelques avenues de la capitale britannique, et visiblement à l’arrache si on considère les quelques passants qui sourient à la caméra.
Seule concession au dépaysement, une petite sortie en ferry vers la France où Bind liquide encore quelques mercenaires pittoresques. Comble de l’exotisme, une scène du film est censée se passer à Boulogne-sur-Mer. Ah ça c’est pas une destination habituelle du grand James ça. Un grand merci à Mr Shonteff qui nous présente enfin le Nord-Pas-de-Calais non pas comme une zone du quart-monde ravagée par le chômage comme les trois-quarts des films français, mais bien au contraire sous son vrai visage : la plaque tournante de l’espionnage mondial. Boulogne-sur-Mer nid d’espions, ça a une autre gueule qu’Istanbul ou que Miami. Et pis c’est pas à Monte-Carlo ou à Hong Kong que vous pourrez déjouer des complots internationaux tout en mangeant un hareng. Bon, notez bien je m’enthousiasme peut-être un peu vite, la scène dure moins d’une minute et il y a plus de chance qu’elle ait été tournée dans un port anglais que dans le Boulonnais.
Tourné en 1977, le film est sorti en même temps que « L’espion qui m’aimait ». Il avait d’abord été envisagé de l’appeler « 008 of the Secret Service » avant prudemment d’opter pour Number One. Grâce à son héros frimeur, sa galerie de tueurs débiles, son machisme primaire, son mauvais goût revendiqué et sa touche cockney très seventies, il peut malgré quelques longueurs vous faire passer un bon moment si vous rentrez dans le jeu.