Café cinéma _ Le cinéma d’Amérique du Sud

  • Mis à jour : 28 juin 2014

CAFE CINEMA

LE CINEMA D’AMERIQUE DU SUD

Si l’on devait définir les caractéristiques du Cinéma d’Amérique du Sud on pourrait dégager en distinguer trois : un cinéma récent, un cinéma engagé et un cinéma réaliste. Cinéma récent car on peut dire que le cinéma sud-américain n’a connu son essor qu’à partir des années 1950. Cinéma engagé car la politique y est très souvent présente. Cinéma réaliste car les réalisateurs n’hésitent pas à aborder des sujets très délicats et ne font preuve d’aucune concession en les traduisant sur l’écran.

Un cinéma récent

Avant les années 50

A l’époque du muet, Les pays d’Amérique Latine font tous des projections de films en particulier ceux des Frères Lumière mais leurs productions sont soient inexistantes soient peu remarquables. Toutefois il faut signaler l’oeuvre de l’argentin José Augustin Ferreyra, cinéaste du Buenos Aires pauvre et populaire, qui réalise El Tango de la muerte (1917),
En Colombie on peut manquer de signaler l’époque dorée du cinéma muet en Colombie puisque, entre 1921 et 1927, plus de douze longs métrages ont été diffusés sur grand écran, soit plus de deux films par an. Toutefois l’Amérique du Sud sera sujette aux bouleversements politiques peu propices à la production. Peu après l’introduction du cinématographe, le pays est en proie à une guerre civile provoquant la suspension de toutes les productions cinématographiques durant cette période. La place est faite aux actualités ou à des films si simplistes qu’ils sont éclipsés par la concurrence étrangère. On retrouve ainsi les frères italiens Vincenzo et Francisco Di Domenico qui importaient des films français et italiens en Colombie.

Avec María d’Alfredo del Diestro et Máximo Calvo Olmedo en 1922, on entre réellement dans l’ère du cinéma muet. Arturo Acevedo Vallarino, producteur et directeur d’une compagnie nationale de théâtre à Antioquia, a décidé de créer une maison de production, Acevedo e Hijos (« Acevedo et Fils ») en 1920. Cette société de production a notamment produit La tragedia del silencio (« La Tragédie du silence ») en 1924.

et Bajo el cielo antioqueño (« Sous le ciel d’Antioquia ») en 1925.

A l’avènement du parlant, le développement du cinéma est contrasté. Tandis que les cinémas argentin et brésilien se développent tant que, durant les années trente, le premier rivalise avec le Mexique, avec ses films de tango et de « gaucho », production cinématographique colombienne connaît des difficultés. En Argentine, les plus célèbres films de genre sont tournés par José A. Ferreya avec la chanteuse Libertad Lamarque. Au Brésil, l’illettrisme est tel que les studios s’équipent pour tourner des films parlants. L’un des premiers est la comédie musicale « Alô, Alô Brazil ? » (1933), qui lance la carrière de Carmen Miranda.

Humberto Mauro, l’un des meilleurs réalisateurs du muet, élève le niveau de la production avec « Ganga Bruta » (1933), considéré comme le premier grand film brésilien.

De 1940 aux années cinquante s’amorce une volonté de structurer le cinéma. Ceci ne se fait pas sans mal car en Argentine si en 1942, l’industrie cinématographique est à son apogée avec trente studios employant 4 000 personnes et produisant cinquante-six films, le cinéma s’assoupit sous l’ère Peron (1946-1955). En 1950, l’Argentine se situe loin derrière le Mexique. Au Brésil, Alberto de Almeida Cavalcanti, nanti des lauriers acquis à Paris et à Londres, s’efforce de ressusciter le cinéma de son pays en dirigeant la société de production Vera Cruz mais ce sera un échec. En Colombie quatre compagnies naissent : la maison de production Calvo Film, créée en 1941 par Máximo Calvo ; la compagnie Ducrane Films crée en 1942 par Oswaldo Duperly et les frères Leopoldo et Georges Crane Uribe ; la compagnie Patria Films fondé en 1943 sous l’impulsion de certains acteurs, s’étant séparés de la Ducrane Films ; Cofilma fondée en 1944 par des capitalistes d’Antioquia. Fondées lors de la Seconde Guerre mondiale, ces quatre compagnies cessèrent leurs activités en 1946.

L’essor du cinéma sud-américain débute dans les années 50 avec notamment, le film brésilien « O Cangaceiro » (1953) de Lima Barreto, l’histoire de bandits d’honneur résistant aux propriétaires terriens, premier film sud-américain à obtenir un succès international avec le Prix du film d’aventure à Cannes. A partir de là le cinéma latino prend son envol.

Leopoldo Torre Nilson (1924-1978) devient le plus célèbre des réalisateurs argentins avec « La Maison de l’Ange » (1957). Loin des comédies superficielles produites, Torre Nillson travaille ses sujets, ses plans et sa lumière : La Maison de l’ange est une peinture de la bourgeoisie qu’un puritanisme exacerbé et la croyance en certaines valeurs conduisent à l’autodestruction.

En Colombie, les années 1950 sont l’occasion pour Gabriel García Márquez et Enrique Grau de relancer l’industrie cinématographique. Ils réalisent en 1954, le court-métrage surréaliste « La langosta azul » (« La Langouste bleue ») .

Des nations jusque-là très discrètes sur le plan de la création cinématographique font timidement leur apparition. Ce sont le Paraguay avec Codicia en 1955 et le Vénézuela, avec La balandra Isabel llegó esta tarde (traduit par La caravelle Isabel partira ce soir ou L’escale du désir) de Carlos Hugo Christensen : prix de la meilleure photographie au festival de Cannes 1951.

DIAPO 11
Le film le plus important des années 1950 fut certainement « El milagro de la sal » (« Le Miracle du sel » ), réalisé à Zipaquirá, près de Bogotá, par le réalisateur mexicain Luis Moya Sarmiento en 1958.

Nous pourrions également citer « La gran obsesión » (« La Grande Obsession ») de Guillermo Ribón Alba, produit en 1955

et La Main dans le piège (1961), il montre ainsi son goût pour des atmosphères envoûtantes, où l’innocence finit par se corrompre. Son travail évoque celui de Bunuel, l’ironie mordante en moins. Pies de Verano (1961) et La Terrasse (1963) montrent des adolescents créant leur monde loin de l’univers étouffant de leurs riches parents

Nouvelle vague et libération

A partir des années soixante, l’Amérique du sud est sujette à la vague de remise en cause de nombreux poncifs qui parcoure le Monde. Le totalitarisme, l’oligarchie sociale, la religion, tous ces piliers des états latino-américains depuis leur indépendance, sont ébranlés par les intellectuels. Ainsi nait un cinéma engagé dans tous les pays d’Amérique Latine d’autant que parallèlement la répression se fera de plus en plus dure. La relance ne vient en 1958, avec la « génération des ciné-clubs ». Leopoldo Torre Nilson avec Fin de Fiesta (1960) attire l’attention de l’Europe.

Fernando Solanas et Octavio Getino fondateurs de "Cine Liberación" produisent « L’heure des brasiers » (1966-1968), vaste montage de documents d’actualités, d’interviews et de citations, qui se veut une contestation de l’ordre politique non seulement argentin, mais aussi sud-américain tout entier.

Au Brésil naît un mouvement initié par de jeunes cinéastes contestataires, le Cinema Novo. Ses chefs de file sont Glauber Rocha ( Le Dieu noir et le Diable blond , 1964),

Ruy Gerra ( Les Fusils , 1963), Carlos Diegues ( Ganga Zumba , 1963)

et Nelson Pereira Dos Santos ( Sécheresse , 1963).

Juste un petit mot sur le Cinéma Novo : Apparu au Brésil en 1963, le Cinéma Novo, cette « esthétique de la faim » selon la définition qu’en donnait la personnalité dominante du mouvement, Glauber Rocha, développa au long des années 1960 un cinéma d’auteur intensément engagé dans le combat social sans être pour autant inféodé à un parti. Le Cinéma Novo ne fut non seulement un mouvement révolutionnaire dans son propos, il le fut également dans sa recherche de formes nouvelles qu’il souhaitait adaptées à la culture nationale et à celle des pays du tiers monde.

Contrairement au cinéma traditionnel qui encourageait l’aliénation et jouait la pure distraction, le Cinéma Novo s’affirma comme instrument de prise de conscience. Il présenta le Brésil sous tous ses aspects : réalistes, mystiques, allégoriques, mythiques, etc.... Apprécié à l’étranger, la Cinéma Novo n’a pas eu grande prise sur le public brésilien.

Au Chili de bons films chiliens vont sortir à la même époque et ce jusqu’en 1973. Ainsi Le Cheval de Nahueltoro (1969), film sur un jeune paysan illettré, qui incarcéré pour avoir tué en état d’ivresse, s’instruit pour apprendre les valeurs sociales avant d’être exécuté. La culture de la cinématographie chilienne se développe surtout avec la fondation d’une cinémathèque nationale et d’un département de cinéma expérimental à l’Université du Chili, qui enseigne le cinéma néerlandais de Joris Ivens.. Durant cette époque des réalisateurs comme Raúl Ruiz, Aldo Francia et Helvio Soto apparaissent. La majeure partie des jeunes réalisateurs se réfèrent à l’Unidad Popular marxiste de Salvador Allende.

En 1964, un coup d’état militaire renverse le régime au Brésil et les libertés civiles sont aussitôt réduites. Guerra Rocha peut encore pousser deux cris de colère contre l’injustice, Terre en transe (1967)

et Antonio Das Mortes (1969, Prix de la mise scène à Cannes) avant de s’exiler pour dix années.

Vers la fin des années soixante, le climat politique et économique de l’Argentine empêche Torre Nillson de faire les films qu’il souhaiterait. Son dernier opus, Piedra Libre (1976) lui vaut des ennuis l’obligeant à se réfugier en Espagne.

En 1973, Patricio Guezman entreprend le tournage de La Bataille du Chili , fresque historique sur son pays. Mais l’histoire le rattrape. Le 11 septembre 1973, Allende est tué et son régime démocratique renversé par la CIA et les troupes du Général Pinochet. Le film est expédié en secret à Cuba, où il sera achevé et monté en quatre ans.

La Résurgence Latine

Après les années de braise, on assiste à une renaissance du Cinéma sud-américain dans les années quatre-vingts. Déjà amorcer dans certains pays moins touchés par les troubles politiques intérieurs elle se traduit par la poursuite de la structuration pour échapper aux productions d’Amérique du Nord.

En 1971, une nouvelle législation essaie de réglementer les courts et longs métrages en Colombie. Ce décret a eu pour conséquence un fort développement des courts-métrages. La même année, à Cali, la compagnie de production de cinéma Cine Colombia inaugure le premier multiplexe cinématographique en Colombie. La Junta Asesora de Calidad (Conseil consultatif de qualité) est créée en 1974 et dépend de la section cinématographique du Ministère des Communications. Elle avait pour objectif de freiner la production des « mauvais » courts-métrages en les rejetant ou en les privant d’aides au lancement, ce qui a conduit à une baisse sensible de la production de films.

En Argentine, la censure est abolie et la démocratie de retour en 1983. Le cinéma est désorganisé, les cinéastes en exil ou réduits à des travaux mineurs. Toutefois, économiquement, le cinéma argentin doit faire face à l’inflation, qui fait chuter les recettes de façon vertigineuse. Des mesures sont prises pour dégager un cinéma de qualité mais elles restent ambigües. A peine promulguée, la loi est victime de la crise économique et le fonds de soutien réduit au tiers de sa valeur. Quant aux clauses visant à aider le cinéma d’auteur, elles n’ont jamais été appliquées.

Au Brésil, la crise économique du pays en 1982 fait que la population brésilienne n’a pas les moyens d’aller au cinéma et que la production des films chute. Une nouvelle génération de cinéastes venue de São Paulo réalise des films qui ne sont diffusés que lors de festivals. La Loi du Court, qui apparaît en 1975, avant d’être améliorée en 1984, offre au cinéma brésilien un accès au marché du film par l’intermédiaire du court-métrage. Les courts-métrages brésiliens gagnent de nombreux prix internationaux.

Un cinéma engagé

Le cinéma sud-américain dénonce

Le cinéma sud-américain dénonce toutes les injustices et l’autoritarisme qu’il soit politique ou religieux. Cible du cinéma sud-américain : l’injustice sociale est un des sujets préférés des réalisateurs. Les documentaires sont un autre support qui continue à exister. Bien qu’ils ne bénéficient pas d’un accès au marché international, ils permettent une réflexion sur l’histoire récente du pays (comme Cabra marcado para morrer de Eduardo Coutinho, de 1984).

Quelques films évoquent l’horreur passée, comme Les Trottoirs de Saturne (1985) d’Hugo Santiago. Dans l’ensemble pourtant, la production flatte la bonne conscience du pays et entretient la conviction largement partagée que les exactions de la junte se sont déroulées dans l’ombre, sans que personne n’en sache rien. L’histoire officielle (1986) de Luis Puenzo, oscar du meilleur film étranger, est représentatif de ce cinéma opportuniste et amnésique. Une femme soupçonne que sa fille adoptive est une enfant de disparus : le ressort dramatique n’est pas le sort de la fillette, ni celui de ses parents torturés et tués, mais la crise d’identité de l’héroïne, condamnée au doute.

Solanas réalise en 1986, en coproduction avec la France, Tangos, l’exil de Gardel , interrogation sur l’identité argentine, puis en 1988 Le Sud , retour halluciné sur la période de la dictature.

Hector Oliveira présente la comédie noire « Une Sale Petite Guerre » (1983), amusante satire des milieux péronistes dans les années soixante-dix.

L’année suivante, en racontant l’oppression du peuple argentin sous la dictature de 1847 dans « Camila » , Maria Luisa Bemberg critique implicitement l’Argentine moderne

Le cinéma sud-américain aborde des sujets délicats

Dans les années 1970, en Colombie et dans d’autres pays voisins comme le Brésil ou le Venezuela, on assiste à la naissance de la pornomisère où certaines productions cinématographiques décident de se tourner vers la pauvreté et la misère humaine, afin de gagner de l’argent et avoir une reconnaissance internationale. De nombreux thèmes tels que la misère du peuple, la vie des marginaux, les enfants des rues, les activités de trafic de drogue, l’indifférence et la corruption politique sont abordés dans ce nouveau style de cinéma. Un des films qui présente toutes les caractéristiques de ce genre a été Gamin (« Clochard »), un documentaire de Ciro Durán en coproduction avec l’Institut national de l’audiovisuel français, paru en 1978, à propos des enfants des rues de Bogotá, qui ont rompu leurs attaches familiales pour vivre de mendicité et de prostitution.

L’hermaphrodisme avec « XXY » de Lucia Puenzo en 2007 (Argentine)
L’inceste avec « Gémaux » de Alberina Carri en 2005 (Argentine)
La drogue et la chasse aux dealers avec « Maria pleine de grâce » en 2005 les « Paradis artificiels » en 2012 et « Troupes d’élite » (Brésil)

Un cinéma reconnu

Dans La Pelicula des Rey (1986) Carlos Sorin expose les difficultés rencontrées par un réalisateur pour produire un film historique en Argentine.

Puis avec Historias Mimas (2002) , il entrecroise des destins au fin fond de la Pantagonie,

et avec Bombon en Perro (2004), il transforme un jeune gardien de parking en exposant de dogue argentin dans les concours canins.

Citons encore, Neuf Reines (2000) de Fabian Bielinsky, histoire d’arnaque rondement menée, El Boaerense (2002), l’immersion d’un ex-voyou dans un commissariat corrompu, et Voyage en Famille (2005) , faux documentaire et vrai road-movie, tous deux de Pablo Trapero, enfin La Nina Santa (La fille Sainte ; 2004) de la réalisatrice Lucracia Martel, sur la bourgeoisie décadente séjournant dans un hôtel thermal.

. Au cours son histoire, le cinéma colombien n’a pas toujours été considéré comme une industrie rentable, ce qui fit obstacle à une continuité de sa production. Lors des premières décennies du XXe siècle, quelques compagnies ont essayé de nourrir un niveau constant de production ; mais le manque d’appui économique et la forte concurrence étrangère ont cassé les initiatives.

Grâce à la création de la Compañía de Fomento Cinematográfico (FOCINE), quelques productions ont pu être réalisées. Cependant, cette compagnie a été liquidée au début des années 1990. Actuellement, grâce à la loi du cinéma approuvée en 2003, des initiatives renaissent autour de l’activité cinématographique, ce qui permet une relance du cinéma colombien, tant sur le plan national qu’international.
En Uruguay, depuis les débuts du cinéma, on compte un peu plus de 50 longs métrages de fiction. Le premier d’entre eux semble difficile à identifier de façon sûre.

Une école de cinéma est créée en 1994. Les années 2000 ont été particulièrement fastes, avec Putain de vie , 25 Watts et Whisky , qui remporte une série de récompenses dans les festivals internationaux.
Actuellement on tourne environ cinq longs métrages par an dans le pays.

Le Cinéma du Paraguay a été historiquement faible, mais cela a commencé à changer au cours des dernières années avec des films comme El Toque del hautbois (1998), María Escobar (2002), O Amigo Dunor (2005) qui a concouru pour le meilleur film dans la Rotterdam international Festival du Film , et Hamaca Paraguaya (2006), qui a été projeté au Festival de Cannes , gagnant acclamé par la critique tant au Paraguay et à l’étranger.

Seule une poignée de films ont été tournés dans le pays durant les années 1980, même si certains films brésiliens ont été en partie tournés dans le pays. En 1989, le renversement de Stroessner et le rétablissement de la démocratie. Depuis, la situation s’est peu à peu améliorée, en 1990, la Fondation Cinémathèque del Paraguay a été mis en place et l’annuel Festival du Film Asunción inauguré, et plusieurs nouvelles salles ont été construites dans Asunción et d’autres villes du Paraguay. En 1994, un film Mlle Ameriguá gagné un certain intérêt international, à l’instar de 1998 El Toque del Hautbois . Cela s’est poursuivi dans le nouveau siècle avec des films tels que María Escobar (2002), Miramenometokei (2003), Hamaca Paraguaya (2006), Felipe Canasto (2010) et Semana Capital (2010). Le financement reste un problème, cependant, et le marché est largement dominé par les films américains et argentins.